Dans les coulisses du Débarquement
Brisant quelques idées reçues , Olivier Wieviorka retrace la difficile préparation du 6 juin 44 et sa suite meurtrière en Normandie. Rencontre avec l'auteur.
Publié le 09-06-2007 à 06h00
La préparation du Débarquement ne fut pas simple.
Il est décidé en novembre 1943, lors de la Conférence de Téhéran où Roosevelt, Staline et Churchill sont pour la première fois réunis. Il doit satisfaire aux exigences des différents corps d'armée et répondre à des questions basiques : faut-il débarquer à marée basse ou haute? Le jour ou la nuit? À chaque fois, on coupe la poire en deux. La Normandie est d'ailleurs choisie par élimination : il faut des plages proches de la Grande-Bretagne, suffisamment grandes, où l'évacuation terrestre est possible et où les défenses allemandes ne sont pas trop fortes.
Et ce n'est pas gagné.
Contrairement à ce que l'on croit, les Américains ne sont pas surpuissants. Le gouvernement américain est extrêmement précautionneux, il ne met toute son énergie pour mobiliser l'intégralité de ses ressources. Les soldats sont donc peu nombreux, ce qui diminue en outre le risque d'avoir trop de morts, et l'armée est toujours un peu courte, notamment en bâtiments de débarquement. C'est l'une des raisons qui explique que celui-ci, initialement prévu en mai, est repoussé en juin.
Et en plus la population américaine est majoritairement hostile à la guerre.
D'une part, elle se sent dupée en constatant que cette Europe qu'elle est venue sauver en 1917-18 remet ça moins de trente ans plus tard. D'autre part, son ennemi, ce sont les Japonais après Pearl Harbour, pas les Allemands, une population qui, de surcroît, forme la minorité la plus importante aux États-Unis. Si Roosevelt intervient en Europe c'est parce qu'il est persuadé que, pour gagner la guerre, il faut frapper l'ennemi le plus menaçant, c'est-à-dire l'Allemagne et non le Japon, et là où il est le plus puissant, en France. Il sait aussi que l'Armée Rouge arrivera la première à Berlin. Il lui faut donc prendre la Ruhr qui sera une prise de gage si l'URSS, avec laquelle il envisage une gouvernance mondiale, ne joue pas jeu. Mais il n'a pas du tout en tête le Plan Marshall qui viendra acter la Guerre Froide.
Olivier Wieviorka, «Histoire du Débarquement en Normandie», Seuil, 445 p., 24 €.