Un monde au bord de l'explosion
Menaces islamistes et services secrets français sont au menu de «Citoyens clandestins», un roman d'espionnage dans la meilleure tradition du genre.
Publié le 07-06-2007 à 06h00
A vec ses sept cents pages, voici le plus gros roman jamais publié dans la mythique Série Noire. Le voyage vaut la peine, même si, à l'arrivée, la noirceur a tout envahi. Construit comme un compte-à-rebours s'étalant d'avril 2001 à janvier 2002, Citoyens clandestins attrape le lecteur dans ses filets, lui dévoilant les arcanes d'un monde secret particulièrement flippant. Un fils de Harkis infiltré chez les jihadistes, une mosquée parisienne tenue par les musulmans salafistes, une journaliste idéaliste et naïve persuadée de pouvoir révolutionner le monde, un exécutant de l'ombre, un consultant aux pratiques douteuses et une multitude d'autres personnages, français ou orientaux, construisent la trame d'une intrigue extrêmement bien documentée sur fond de manipulations, de guerre des services secrets ou de trafics de gaz mortels entre la France et le Moyen Orient, zone géographique particulièrement chaude quelques mois avant le déclenchement de la guerre américaine en Irak.
«J'ai toujours trouvé que la littérature noire française avait une vision très caricaturale de l'espionnage français, explique l'auteur. Je voulais montrer les coulisses du pouvoir. Pris séparément, tous les éléments sont vrais, ensemble ils sont plausibles. J'ai par exemple découvert que les deux services français, la DGSE et la DRM, n'étant pas inféodés aux mêmes pouvoirs politiques, pouvaient entrer en concurrence. Et je me suis demandé comment ils réagiraient s'ils voyaient des gens qu'ils ont l'habitude de suivre, remonter à la surface, morts?»
Construit chronologiquement, le roman passe d'un personnage à l'autre, créant une toile d'autant plus oppressante qu'elle rappelle à nos «bons» souvenirs une actualité récente. «La première idée du roman reposait sur le personnage de Lynx, un agent clandestin chargé de remonter un réseau afin d'empêcher un attentat, poursuit DOA. Je voulais le placer dans un contexte réel. C'est pourquoi j'ai choisi différents faits divers que j'avais découverts dans la presse après le 21 septembre et je les ai réécrits car je ne pouvais pas les citer tels quels ni mentionner les vrais journaux. J'ai ensuite imaginé les actions qui y avaient conduit, remontant plusieurs mois en arrière pour tenir compte des délais plausibles. C'est pour cela que le roman est construit jour par jour. J'ai ensuite introduit les autres personnages et je les ai tous liés entre eux en veillant à rester toujours crédible.»
DOA, «Citoyens clandestins», Gallimard/Série Noire, 705 p., 20 €.