Une tempête de souvenirs à Cuba
Zoé Valdès réinvente le périlleux voyage vers Cuba de son grand-père chinois. Un roman d'aventures mené avec frénésie.
Publié le 24-05-2007 à 06h00
C 'est à Cuba, après une traversée épique du Mexique, que Mo Ying, devenu Maximiliano, retrouve son père, un chanteur d'opéra parti des années plus tôt pour fuir la dureté de la vie chinoise. Devenu amnésique, cet homme a épousé l'une des femmes les plus riches de l'île et est devenu... chanteur d'opéra. Maximiliano aura lui-même cinq enfants avec une aspirante comédienne qui l'abandonnera pour aller tenter sa chance ailleurs, le plongeant dans un silence absolu qu'il ne rompra que nonagénaire pour confier son histoire à sa petite-fille, Lola.
Qui était ce grand-père ?
Il est arrivé à Cuba non sur les traces de son père mais comme esclave. Au début du XXe siècle, l'île attirait beaucoup de Chinois. Certains partaient aux États-Unis et ceux qui restaient étaient employés par des entreprises sucrières qui voulaient « blanchir » la population esclave noire. Avant de se rendre compte que les Chinois n'avaient ni la force, ni la résistance des Noirs et que c'était une erreur pour eux de les avoir fait venir. Avoir un Chinois dans sa famille n'était donc pas une chose dont il fallait parler. J'ai toujours su que mon grand-père était Chinois. Même si ma grand-mère, Irlandaise arrivée à Cuba lorsqu'elle avait deux ans, dissimulait son mariage. Mais dans le quartier, qui n'était pas le quartier chinois de La Havane, on appelait ma mère la Chinoise.
Lola, la confidente du vieil homme, c'est un peu vous ?
Oui, même si, contrairement à elle, j'ai très peu connu ce grand-père vu qu'il est mort en 1963 quand j'avais 3-4 ans. C'est ma mère et ma tante qui m'ont raconté son histoire. À travers Lola, je dépeins la relation que j'aurais voulu avoir avec lui, plus constante et permanente.
Vous passez d'une époque à l'autre...
Ce livre parle de la mémoire et de l'oubli, il est comme le bilan d'une vie où tout ne revient pas dans l'ordre chronologique. Je voulais qu'il soit une tempête de souvenirs. Contrairement à d'autres de mes romans que j'ai dû beaucoup travailler, il est sorti tel quel.
C'est aussi un livre d'aventures, comme l'était votre précédent roman, « Louves de mer ».
Bien sûr, c'est d'abord cela qui m'intéresse, je veux faire rêver les lecteurs. Je pense que la littérature d'aujourd'hui a perdu cette dimension aventureuse qui me semble une chose très vitale. J'étais par exemple une admiratrice d'Alexandre Dumas.
C'est la littérature qui vous permet de garder un lien avec Cuba que vous avez quitté en 1985 ?
C'est surtout grâce à ma mère et à différents contacts, des journalistes, des poètes, des écrivains, et les femmes et mères des prisonniers. Cuba me manque toujours.
Zoé Valdès, « L'éternité de l'instant », traduit par Albert Bensoussan, Gallimard, 358 p., 19,50 €.