Sortie ce mercredi d’"Anatomie d’une chute", Palme d’or à Cannes 2023 : Sandra Hüller, anatomie d’une actrice
La comédienne allemande défendait deux films au dernier Festival de Cannes, dont "Anatomie d’une chute" qui est reparti avec le premier prix. Portrait d’une actrice polyglotte et palmée.
- Publié le 30-08-2023 à 06h00
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En 2016, Toni Erdmann de Maren Ade faisait sensation sur la Croisette. Ce film allemand que personne n’attendait s’avérait une comédie absurde et hilarante sur une jeune femme paumée, incarnée par une certaine Sandra Hüller.
Née en 1978 et formée à l’art dramatique à Berlin, la comédienne a déjà dix ans de tournages sous le capot et un prix d’interprétation au Festival de Berlin (pour Requiem en 2006) quand elle est révélée au public cannois. Mais elle était surtout connue du cinéma allemand jusque-là, et si Toni Erdmann est reparti bredouille cette année-là, la carrière internationale de Huller, elle, était lancée.
Incarner sans juger
Sept ans plus tard, l’actrice blonde était de retour à Cannes, non pas une mais deux fois. Dans le glaçant The Zone of Interest, film anglo-américain de Jonathan Glazer, elle incarne Hedwig Höss, épouse du commandant nazi Rudolf Höss qui dirigea le camp d’Auschwitz. Dans le film français Anatomie d’une chute de Justine Triet, elle joue une femme accusée d’avoir tué son mari.
Deux rôles différents, mais dans lesquels il est tout autant question de regard et de jugement. "Pour Hedwig, l’approche était plutôt technique: comment elle marcherait, ce genre de chose – j’ai refusé de me connecter à sa psychologie ou ses émotions."
Tout le contraire du film de Triet, dans lequel la ligne entre bien et mal, mensonge et vérité, est beaucoup plus brouillée.
"On n’a pas discuté de l’innocence de mon personnage. Justine refusait ça. Est-ce que quelqu’un est coupable à nos yeux parce qu’elle a du succès, une sexualité libérée, ou qu’elle est distante avec son enfant ? Comment juge-t-on les gens ? C’était ça le plus important – pas si elle l’a tué", détaille la comédienne, déjà présente dans Sibyl, le film précédent de Triet, où elle incarnait la compagne du regretté Gaspard Ulliel.
À l’image de ses personnages, Hüller distille ses réponses avec un calme froid, sans trop sourire ni sourciller, se réservant le droit d’éluder les questions qu’elle trouve "trop privées" (on lui avait demandé ce que le tournage d’ Anatomie lui avait appris). Dans le chaos cannois, elle se prête volontiers à l’exercice de l’interview, sans pour autant trop en dévoiler. Sans tomber dans le piège des questions faciles non plus: dans ce film où son personnage est jugé de toutes parts, on pourrait être tenté d’y voir une critique des médias et réseaux sociaux qui exacerbent les jugements empressés: "Faire des suppositions, remplir les trous, c’est humain – c’est aussi le sujet du film. C’est impossible qu’il n’y ait qu’un seul point de vue, une seule vérité. Sauf en sciences, bien sûr."
Sceptique mais rationnelle, Hüller sera en 2024 à l’affiche de Sissi et moi, où elle incarne la dernière dame de compagnie de l’impératrice.
"Anatomie d’une chute" de Justine Triet. Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Antoine Reinartz, Samuel Theis. En salles ce mercredi.