Tengo Sueños Eléctricos [CRITIQUE CINÉMA] – L’amour et la violence

Avec délicatesse et âpreté, ce premier opus (belge) venu du Costa Rica nous plonge dans l’adolescence d’une jeune fille de 15 ans.

Elli Mastorou
"Tengo Sueños Eléctricos" de Valentina Maurel, avec Daniela Marín Navarro et Reinaldo Amien.
"Tengo Sueños Eléctricos" de Valentina Maurel, avec Daniela Marín Navarro et Reinaldo Amien. ©Cinéart

Drame de Valentina Maurel. Avec Daniela Marín Navarro et, Reinaldo Amien. Durée : 1 h 41.

Eva a 15 ans, l’âge des premiers émois et des premiers tourments. L’âge où l’on croit savoir qui on est, sans pourtant le savoir vraiment. Adolescente solitaire elle traîne son ennui dans les rues bétonnées et ensoleillées de San José, au Costa Rica.

Son monde est chamboulé par le divorce de ses parents, et Eva se retrouve tiraillée. D’un côté il y a sa mère, qui range la maison, s’inquiète de la voir sortir tard et la regarde d’un air austère. De l’autre il y a son père, avec son air distrait, sa spontanéité brutale, et ses soirées avec ses amis barbus du club de poésie – des nuits arrosées, pleines de corps qui fument et qui se frôlent avec fébrilité.

Entre les deux, il n’y a pas photo : loin des angoisses maternelles, Eva déclare vite vouloir aller vivre avec son père. “Cette fascination pour ton papa et les hommes plus âgés, ça va te passer”, lui lance sa mère, pas née de la dernière pluie ; tandis qu’en voix off, on entend son père déclamer des vers issus de ses poésies : “J’ai des rêves électriques. On s’aime à coups, et à cris.”

Errances d’adolescence

Naviguant entre découverte et souffrance, entre désir et colère, ce premier film signé par Valentina Maurel exprime, par ses thèmes mais aussi sa mise en scène nerveuse, ce flottement propre à l’adolescence. Dans sa façon rugueuse et brute d’aborder la sexualité, ou la violence, qui surgit par à-coups, le film peut surprendre, voire déranger.

Sa réalisatrice en a conscience : “Je voulais faire un film sur la solitude avec laquelle on découvre le monde, la sexualité – d’autant plus quand on est une jeune femme. Je voulais raconter la difficulté de vivre avec tout ça. Ça met parfois les gens mal à l’aise, parce qu’on ne sait pas toujours dans quelle position morale est le film. Mais ce n’est pas de la provocation gratuite – car en soi, le film ne l’est pas tant que ça. Ça vient avant tout d’une volonté d’être fidèle à la confusion que traversent les personnages – surtout Eva. Et puis je pense que l’inconfort est une position plus active, en tant que spectateur.”

guillement

Ça met parfois les gens mal à l’aise, parce qu’on ne sait pas toujours dans quelle position morale est le film. Mais ce n’est pas de la provocation gratuite

S’il y a de l’inconfort, il y a aussi beaucoup de douceur dans ce portrait doux-amer d’une jeune fille qui se cherche. Dans la découverte du désir, dans les tâtonnements d’une sexualité, dans le rapport admiratif et craintif aux adultes, chacun pourra retrouver des morceaux de l’adolescent(e) qu’il a été.

Une résonance confirmée d’ailleurs à l’international : s’il est entièrement tourné au Costa Rica, Tengo Sueños Eléctricos est pourtant bien un film belge – et il a connu un parcours remarqué dans les festivals du monde entier.

"Tengo Sueños Eléctricos", de Valentina Maurel (2023)
"Tengo Sueños Eléctricos", de Valentina Maurel (2023) ©
Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...