"La Syndicaliste": la fiction au service du réel
Isabelle Huppert porte avec conviction ce thriller politique tiré d’une histoire vraie, dont la sortie bouscule le système judiciaire français.
Publié le 09-03-2023 à 18h00
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Connaissez-vous Maureen Kearney ? Depuis 2012, plusieurs ouvrages, reportages et articles ont relaté l’histoire de cette syndicaliste agressée dans d’étranges circonstances, encore non élucidées. Mais jusqu’à ce que le réalisateur Jean-Paul Salomé décide d’en faire un film, où Kearney est incarnée par Isabelle Huppert, peu de gens en avaient entendu parler. "Pour faire connaître ce genre d’histoire au grand public, il n’y a pas mieux que le cinéma", constate son réalisateur, de passage à Bruxelles pour en parler.
"Un film peut faire bouger les choses"
Adapté du livre de la journaliste Caroline Michel-Aguirre, La Syndicaliste retrace l’histoire de cette femme issue d’un milieu modeste, qui avait gravi les échelons syndicaux du groupe nucléaire français Areva, jusqu’à tutoyer les puissants… jusqu’au jour où sa vie a basculé.
Ce matin de 2012, elle avait rendez-vous avec le président Hollande pour l’alerter d’un deal douteux entre Areva et des géants du nucléaire chinois, qui menacerait les emplois français. Elle n’a pas pu s’y rendre: des inconnus ont pénétré chez elle et l’ont agressée sexuellement. Un cauchemar qui va empirer pour Kearney quand, faute de preuves, les policiers vont la faire passer de victime à suspecte, en prétendant qu’elle a tout inventé.
"Les gens sont sidérés de découvrir ce qui lui est arrivé. Ils en parlent en sortant, se posent des questions. C’est aussi ça le rôle social du cinéma", raconte Jean-Paul Salomé. Si Kearney a été blanchie, les coupables n’ont jamais été retrouvés.
Porté avec force par une Isabelle Huppert investie ( "Elle a retrouvé des podcasts sur l’affaire qu’elle m’a fait écouter !"), ce récit véridique aux airs de thriller politique, où se croisent rapports de classe, manquements judiciaires et sexisme, a tout d’un scandale d’état. Ce sont d’ailleurs ces mots qu’a employés la députée Clémentine Autain (LFI), qui a demandé suite à la vision du film la mise en place d’une commission d’enquête. "Des députés demandent à voir le film, les gens réagissent… Depuis le Covid, on dit que le cinéma est mort – eh bien oui et non: on voit qu’un film peut encore faire bouger les choses", constate le réalisateur.
La fiction de La Syndicaliste rattrape le réel encore plus que Salomé n’aurait pu l’imaginer: dans le film, Kearney rencontre une femme qui a été agressée dans les mêmes circonstances étranges qu’elle. Une scène inventée, car dans la vraie vie, c’est Caroline Michel-Aguirre qui l’a contactée. "Mais la semaine prochaine, cette scène va vraiment avoir lieu: Maureen Kearney va vraiment rencontrer cette femme, qui pour la première fois en 10 ans, a accepté de parler publiquement. Elle a livré une longue interview récemment au Nouvel Observateur , et elle a balancé des noms…" Qui doute encore du pouvoir de la fiction ?
Drame/thriller de Jean-Paul Salomé. Avec Isabelle Huppert, Grégory Gadebois, Marina Foïs, Mara Taquin… En salles depuis mercredi.