Michel Blanc retourne à l’école dans une comédie : "L’illettrisme est un handicap sournois"
Michel Blanc (70 ans) retourne apprendre à lire et écrire sur les bancs de l’école dans "Les petites victoires", un film qui sort ce mercredi 1er mars. Interview.
Publié le 28-02-2023 à 19h00
:focal(544.5x371.5:554.5x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/G6NAVSE4MZEHHFY2RYFXWCRKHQ.jpg)
Doit-on passer autant de temps à débattre sur les vertus d’un nouvel Astérix quand existent, aussi, de charmantes comédies comme Les petites victoires ? Le débat est ouvert, et pas franchement difficile à trancher. Dans ce film signé Mélanie Auffret, son deuxième après le sympathique Roxane (2019), Michel Blanc incarne, au cœur d’une communauté rurale en proie à une inéluctable désertification, un sexagénaire qui retourne sur les bancs de l’école afin de remédier à un handicap qu’il a longtemps tu, et devenu insurmontable depuis la disparition de son frère: il est illettré. Un rôle de vieux bourru attachant qui le voit donner la réplique à Julie Piaton (la fille de Charlotte de Turkcheim), auquel il tient beaucoup, et qu’il a tenu à venir à défendre, en personne, à Bruxelles. Forcément, on était aussi au rendez-vous.
Michel Blanc, êtes-vous d’accord si on estime que "Les petites victoires" est un film assez "vieille France" ?
C’est vrai, ça peut faire penser à certaines vieilles comédies à la Bourvil, par exemple. Sauf qu’on y dépeint deux phénomènes qui n’existaient pas à l’époque, ou dont on parlait moins: la désertification des campagnes et l’illettrisme.
C’est, semble-t-il, surtout le second qui vous a interpellé ?
Ça m’a touché parce que ça concernait mon personnage. Et vous savez, les acteurs sont égocentriques: quand ils lisent un scénario, ils le lisent au travers de leur personnage. Et moi, c’est le personnage de Monsieur Menoux qui m’intéressait, car c’est un type bourru qui a du mal à vivre, et décide de se reconstruire là où tout a commencé à déraper: à l’école… où il redeviendra, par moments, un véritable gamin. De 65 ans, certes, mais un gamin quand même (il rit).
Vous avez rencontré des gens qui souffrent du même handicap que lui pour préparer votre rôle ?
Oui, quatre personnes de 40 à 50 ans qui ont, elles aussi, décider de retourner à l’école apprendre à lire et écrire tant leur vie était un enfer. C’était assez passionnant – enfin, tristement passionnant – car on voit à quel point c’est invivable. D’autant qu’il s’agit d’un handicap invisible, et qu’ils se débrouillent pour qu’il le reste. C’est un handicap très sournois, qu’ils ne peuvent pas partager: quand on rencontre un non-voyant, on comprend de quoi il souffre immédiatement, et on entre de suite en empathie. Là, on ne peut pas… parce qu’on ne le sait pas. Dans le lot, j’ai notamment rencontré un monsieur d’une cinquantaine d’années, plutôt bel homme, qui m’a confié n’avoir jamais pu vivre la moindre histoire d’amour parce qu’il n’avait jamais pu avouer à une femme qu’il ne savait, ni lire, ni écrire. C’était très émouvant.
Quand vous voyez d’où vous venez – notamment "Les Bronzés" – ça vous surprend de voir dans quels rôles on vous projette aujourd’hui ?
Non, pas du tout. En fait, ça me rassure, parce que c’est pour ça que je voulais faire ce métier. Quand j’ai commencé à prendre des cours d’art dramatique, mon but n’était pas de jouer Jean-Claude Dusse, mais des choses différentes: un jour Shakespeare, un autre Molière. Je ne connaissais pas, alors, le cinéma, à travers lequel je me suis pourtant épanoui. Puis, il y a eu un grand tournant: c’était Tenue de soirée (NDLR : de Bertrand Blier, 1986). Pour ce film, j’ai eu un prix à Cannes et l’impression qu’à partir de là, les metteurs en scène se disaient que je pouvais faire autre chose que des comédies de café-théâtre. C’est alors que j’ai commencé à faire des choses qui m’intéressaient vraiment.
La réalisation, c’est toujours d’actualité ?
Oui, bien sûr, mais vous savez, la réalisation, surtout si vous écrivez, ça prend vite deux ans de votre vie. Et j’arrive à un âge où, comme au Scrabble, les années comptent triple. Il faudrait vraiment que je tombe sur un truc qui m’emballe vraiment pour que je me lance. Ce sera peut-être en Belgique, d’ailleurs: Nadine Monfils m’a proposé, récemment, d’adapter en série ses Folles enquêtes de Magritte et Georgette. Avec la folie belge qui les caractérise et son imaginaire, c’est un projet qui me plairait beaucoup, si elle parvient à le monter.