Tár [CRITIQUE] - Intimidation et retour de bâton
Une cheffe d’orchestre à l’apogée de son succès redescend de son piédestal quand elle est accusée de harcèlement. Une implacable description des rapports de domination.
Publié le 24-01-2023 à 18h41 - Mis à jour le 24-01-2023 à 18h42
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Postée devant un parterre de musiciens de haut vol, lors d’interviews ou en coulisses, la cheffe d’orchestre Lydia Tár en impose. C’est qu’elle est au sommet de son art, une référence dans le monde de la musique classique contemporaine. Lydia Tár ne mène pas que son orchestre à la baguette. Sa compagne, leur fille, ses assistantes et autres sous-fifres ont intérêt à filer droit.
Mais alors qu’elle va sortir un livre et diriger le concerto qui la sacrera définitivement, le suicide d’une ancienne élève menace de tout faire capoter. Car la cheffe d’orchestre profite de son pouvoir, utilisant régulièrement des méthodes d’intimidation, voire du harcèlement pour parvenir à ses fins.
Un exposé froid
Ne cherchez pas, Lydia Tár est un personnage fictif. Une invention toutefois très réaliste qui permet au réalisateur Todd Field de décortiquer les effets pervers des rapports de domination chez les êtres humains, ces créatures si raffinées. Un thème on ne peut plus actuel dans le contexte de #MeToo.
Cette talentueuse et acclamée cheffe d’orchestre n’est évidemment pas sans rappeler les Weinstein et cie. Elle est au sommet de la chaîne alimentaire et peut tout se permettre. Jusqu’à ce que…
Les mécanismes sournois à l’œuvre dans ce genre de rapport sont ainsi montrés dans toute leur ambiguïté. On voit comment Lydia pratique le favoritisme, se débarrassant de ceux dont elle n’a pas ou plus d’utilité, sans aucun état d’âme. Toutes les relations qu’elle entretient sont intéressées, excepté celle avec sa fille. On a donc devant nous un personnage détestable, pour lequel on éprouve peu d’empathie. Le film est d’ailleurs froid. Riche d’un point de vue intellectuel, il expose merveilleusement bien les différentes facettes du personnage. C’est malin, mais pas suffisant.
Ce raisonnement complexe semble parfois hors de portée. Il nous inonde par exemple de références et du jargon du milieu de la musique classique, notamment lors d’une (trop) longue masterclass. Le bonhomme instaure un climat de suspicion, déstabilisant son personnage, mais ne va pas au bout de son idée nous laissant trop nous débrouiller avec ce qu’il nous donne. Ce serait donc brillant, s’il n’y avait ce côté opaque un rien agaçant.
En revanche, la performance de Cate Blanchett est impeccable et peut-être le véritable tour de force de ce film. L’histoire d’un pouvoir qui a dépassé ses limites à force de croire en son propre mythe.
Drame de Todd Field. Avec Cate Blanchett, Noémie Merlant et Nina Hoss. Durée: 2h38.