Charlotte Le Bon: « Le but dans “Falcon Lake” c’était vraiment d’échapper à toutes sortes de clichés sur la féminité »
L’actrice et artiste québécoise Charlotte Le Bon passe derrière la caméra avec " Falcon lake ", une histoire d’ados et de fantômes en salles ce mercredi.
Publié le 27-12-2022 à 08h30
Bastien, treize ans, passe ses vacances d’été avec ses parents dans un chalet au bord d’un lac au Québec. Il rencontre Chloé, seize ans et fascinée par les histoires de fantômes. La Québécoise Charlotte Le Bon s’est librement inspirée de la bande dessinée Une sœur de Bastien Vivès (NDLR: visé par des plaintes pour diffusion d’images pédopornographiques après la réalisation de cette interview) pour livrer un premier film aux résonances très personnelles.
Charlotte Le Bon, « Falcon Lake » est librement inspiré de la bd « Une sœur » de Bastien Vivès. En quoi vous êtes-vous détachée de son récit ?
J’ai ajouté des choses en plus, comme la légende de fantôme, l’étrangeté, le jeu avec la peur. La fin est aussi très différente de celle du roman graphique.
Ces deux adolescents dégagent quelque chose de très authentique, comment les avez-vous construits ?
Il y a autant de moi dans Bastien que dans Chloé. J’ai été complètement dans la position de l’amoureux transi qui ne sait pas comment agir devant quelqu’un, qui perd tous ses moyens. Et j’ai aussi été dans la position de Chloé qui fait face à quelqu’un qui est clairement intéressé par elle et ne sait pas trop comment gérer cette situation. Alors elle teste ses propres limites avec lui, teste ses limites à lui. De loin, ça peut paraître comme de la manipulation mais ça n’a rien à voir avec de la mesquinerie. C’est juste parce qu’à cet âge-là on apprend à se définir à travers le regard des autres et que c’est comme ça qu’on grandit et qu’on se construit.
On voit rarement des adolescentes comme Chloé au cinéma.
J’ai écrit un personnage féminin que j’aurais voulu incarner à 20 ans. Le but c’était vraiment d’échapper à toutes sortes de clichés sur la féminité. Parce que j’en ai souffert en tant qu’actrice et que ce sont vraiment des choses qui m’ont saoulée.
Quels genres de clichés ?
Ceux issus du regard masculin. Moi j’essayais de proposer autre chose et on me le refusait. Ça me rendait dingue. On me disait que ce n’était pas intéressant. Je trouve que les rôles féminins au cinéma sont souvent d’une seule couleur. La jeune fille gentille est tout le temps gentille alors qu’on change constamment. On fait des choses contradictoires.
La sexualité a une place importante dans votre film et elle se distingue de ce qu’on voit habituellement dans les « teen-movie ».
Il fallait que tout soit désacralisé. Je n’avais pas du tout envie d’aborder les scènes sexuelles comme quelque chose de stressant ou de gênant. Je voulais que la sexualité dans le film soit dépeinte comme quelque chose d’hyper sain et qu’à chaque fois ça puisse tomber dans une forme de comique. J’avais aussi envie de désamorcer.
Comment avez-vous géré cela avec les deux acteurs ?
Je pense que ça se traduit par beaucoup de discussions, pas forcément sur le scénario ou sur l’histoire mais sur eux, sur leur vie intime dans le respect de leurs limites, évidemment. Mais aussi de mes histoires à moi. Je leur ai raconté mes histoires d’amour, mes humiliations parce que c’est aussi ça l’adolescence, on se casse la gueule et on a honte. J’ai l’impression que l’important sur le plateau c’était qu’ils me fassent entièrement confiance et qu’ils sentent un climat de complète bienveillance. À aucun moment ils n’étaient jugés sur ce qu’ils faisaient.
Comédie dramatique de Charlotte Le Bon. Avec Joseph Engel et Sara Montpetit. Durée: 1 h 40. Sortie le 28 décembre.