Le monde d’hier [CRITIQUE] - Une démocratie à l’agonie
Les arcanes du pouvoir politique, à quelques jours d’une élection présidentielle. Un glaçant conte moderne.
Publié le 12-04-2022 à 17h00 - Mis à jour le 12-04-2022 à 15h40
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C’est ce qui s’appelle soigner son timing. Il ne pouvait pas mieux tomber, celui-là. Le monde d’hier s’immisce en effet dans les coulisses de l’élection présidentielle française pour nous raconter le dilemme d’une présidente sortante face à la montée de l’extrême droite.
Dans un bureau austère du palais de l’Élysée, Élisabeth de Raincy (géniale Léa Drucker) reçoit son Secrétaire Général, Franck L’Herbier. Il est tard mais c’est une urgence. À trois jours du premier tour de l’élection qui désignera sa ou son successeur, la présidente française apprend que leur candidat a sérieusement merdé.
Le coco a été filmé en pleine magouille à l’étranger et la vidéo va être largement diffusée, réduisant à néant ses chances de remporter ce premier tour. La voie sera alors libre pour le candidat d’extrême-droite.
Ne pouvant envisager ce cas de figure, le Secrétaire Général pousse la présidente sortante à agir. Ils ont trois jours pour empêcher ce désastre, peu importent les moyens utilisés…
C’est pas joli joli tout ça
Un acte illégal est-il répréhensible quand il sert une cause louable? Au départ de cette épineuse question Le monde d’hier brosse le portrait d’un pouvoir politique agonisant. La présidente, à bout de souffle, ne sait plus où donner de la tête.
Des années de mauvaise gestion et d’entourloupes ont tracé une voie royale à l’extrême droite. Ses collaborateurs ne sont pas capables de gérer la crise. Malgré les nombreuses personnes qui gravitent autour d’elle, Élisabeth est seule.
Le film de Diastème n’est pas sans rappeler l’excellente série politique danoise Borgen . Parce qu’il s’agit d’une présidente, bien sûr. Mais aussi parce qu’on évoque sa vie privée. Élisabeth de Raincy a négligé sa fille, sa santé, son conjoint, pour mener à bien sa carrière. Et c’est quand elle veut recoller les morceaux que cette tuile lui tombe dessus. Le pouvoir isole.
Cet aspect contribue à rendre ce thriller politique crépusculaire un peu plus humain. Heureusement, d’ailleurs, parce que c’est pas marrant leurs histoires. Les grandes pièces luxueuses souvent filmées de nuit donnent au palais de l’Élysée des allures de château hanté. C’est froid, glaçant même.
Si les situations paraissent malheureusement réalistes, Le monde d’hier prend des accents de conte moderne. Relativement riche et complexe, il souffre peut-être d’un côté trop théâtral.
Et même s’il ne révolutionne pas le genre du thriller politique, il n’en est pas moins efficace.
Drame de Diastème. Avec Léa Drucker, Denis Podalydès et Alban Lenoir. Durée: 1h29.