Sandrine Kiberlain et "l’autre monde"
En salles ce mercredi, "Un autre monde" de Stéphane Brizé va voir de l’autre côté des luttes sociales, aux côtés d’un patron d’entreprise.
Publié le 21-02-2022 à 06h00
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La loi du marché, sorti en 2015, nous mettait face au dilemme moral d'un vigile de supermarché. Le suivant, En guerre, se mêlait des combats d'employés injustement virés. Cette fois, le réalisateur français Stéphane Brizé est allé voir du côté des patrons. Le réalisateur boucle ainsi en quelque sorte un cycle qui décrit l'enfer du monde du travail.
Un autre monde suit en effet le parcours de Philippe, cadre obligé de virer les employés avec lesquels il a patiemment construit une relation de confiance.
"Il y avait, avec ce film, l'envie de sortir d'une dialectique un peu simpliste, parfois, des gentils ouvriers qui souffrent contre les méchants patrons qui font souffrir, explique Stéphane Brizé. Il y avait l'idée de montrer que, finalement, en prenant un peu de hauteur et en décrivant la situation de ce point de vue là, ce n'est pas uniquement un problème de lutte des classes mais un problème systémique."
Stéphane Brizé décrit donc ce système, qui pousse les individus dans leurs retranchements. Comme pour les deux autres films, il a rencontré de vraies personnes pour construire son récit. Mais il s’est détaché de leurs histoires pour raconter la sienne.
Celle de Philippe, donc, ce patron à bout qui finit par sortir du système. "Je crois que l'individu peut être plus grand, plus fort que la pensée contrainte. C'est quelque chose que j'ai envie de raconter, sans naïveté aucune. J'offre aussi cette possibilité-là pour que le reste soit plus acceptable à regarder, parce que c'est effrayant, tétanisant, de voir à quel point le quotidien peut être d'une violence extrême. Peut-être que la part la plus fictionnelle, c'est de donner la possibilité à ce gars de s'en sortir."
La place de l’intimité
Il introduit à ce niveau un personnage-clé: la femme, ou plutôt l’ex-femme de Philippe qui décide de le quitter parce qu’elle aussi n’en peut plus.
"Le vrai courage, c'est elle qui en donne la définition d'entrée de jeu. Parce qu'elle accepte de dire que ce n'est pas elle le problème, c'est la situation qui n'a plus de sens."
Sandrine Kiberlain à qui il a confié ce rôle, a apprécié l’humanité de cette femme. Son courage, aussi.
"L'histoire d'amour ne s'arrête pas parce qu'ils ne s'aiment plus mais parce qu'elle aime cet homme et qu'elle pense qu'il va à sa perte. Elle sauve sa peau en fait, confie l'actrice. Elle n'est jamais contre lui, elle n'est jamais dans le reproche, elle est juste dans une saturation et elle le dit dès la première scène: elle a cinquante ans, elle a presque plus d'années derrière elle que devant et elle veut vivre. "
En quittant un monde basé sur la compétitivité des individus, arrivé, lui aussi, à bout de souffle.
Drame de Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. Durée: 1 h 36.