Aïssa Maïga en quête de l’or bleu souterrain
Le documentaire "Marcher sur l’eau" suit un village du Niger victime du changement climatique.
Publié le 22-01-2022 à 06h00
Tous les jours, les habitants du village de Tatiste, au Niger, parcourent des kilomètres pour trouver de l’eau. En plein cœur du Sahel, le réchauffement climatique est une réalité qui bouleverse le mode de vie des nomades. Aïssa Maïga, actrice d’origine sénégalaise et malienne est allée régulièrement à leur rencontre pendant un an.
Elle en a fait un documentaire, Marcher sur l'eau, en salles mercredi prochain. " J'ai été intimement touchée par l'idée d'aborder la question du réchauffement climatique par le biais du Sahel parce que je viens de là-bas, que j'y ai beaucoup de famille, que c'est une zone du monde que je chéris énormément, raconte Aïssa Maïga. J'ai aussi été convaincue par l'idée que la citoyenne lambda que je suis face à la question environnementale puisse mettre des outils cinématographiques au service de ce sujet."
Une réaction en chaîne
Accompagnés d'une ONG et de militaires et policiers pour assurer leur sécurité, la réalisatrice et son équipe ont suivi le quotidien d'une jeune fille de quatorze ans, Houlaye. "J'avais envie de parler des enjeux familiaux", explique encore la réalisatrice. Le manque d'eau a en effet des répercussions sur toute la famille. Comme les pâturages se font rares, les hommes doivent partir avec leurs troupeaux.
Les femmes, quant à elles, sont obligées de laisser leurs enfants pour aller travailler dans les capitales voisines. "Il n'y a plus de bétail, plus de lait, leurs moyens de subsistance traditionnels. C'est déchirant de voir qu'à cause de cette réaction en cascade, due aux émissions de gaz à effet de serre émises à 85% par des pays riches, une femme au Niger doit laisser sa famille. "
Je voulais inviter les spectateurs à ce sentir proche du vécu de cette famille
À la place d’aller à l’école, Houlaye, elle, surveille ses petits frères et sœurs et assure l’approvisionnement en eau. En suivant cette jeune fille, Aïssa Maïga voulait créer de l’empathie, donner un visage à cette catastrophe climatique.
"Je tenais à faire un film qui soit vraiment à hauteur d'être humain. Je voulais inviter les spectateurs à ce sentir proche du vécu de cette famille. On a beau le savoir en théorie, être bien informés, le ressentir, c'est encore autre chose. "
Une solution coûteuse
Heureusement, le film apporte aussi une solution. Dès le début du tournage, la réalisatrice avait en effet en ligne de mire la création d’un forage qui permettrait d’approvisionner en eau tous les villages de la région. Là encore, elle s’est heurtée à la réalité du terrain.
"Un forage multivillages comme ça coûte au moins 200 000 euros, c'est cher. Avec la production et une ONG, on a œuvré pour faire des recherches de financement, lever des fonds pour que ce forage puisse avoir lieu. On est allés voir des fondations qui font du mécénat mais ça piétinait. Parfois, ce n'était pas dans leur cahier des charges, parfois on n'arrivait pas à avoir les rendez-vous parce que les gens ont d'autres priorités. Ils nous disaient "on en reparle, revenez l'année prochaine." C'est un petit peu épuisant parce que, pour les gens sur place, c'est un super projet. Ils ne voient pas pourquoi les pays riches comme la France n'auraient pas de quoi réunir la somme. C'est compliqué de leur dire qu'en fait, les gens s'en foutent. Ils ne savent pas où est le Niger. Tatiste, ils ne connaissent pas. Ils préfèrent mettre de l'argent dans des start-up avec des jeunes geeks hyperdoués parce que c'est plus glamour."
Mais malgré ces difficultés, le forage a pu voir le jour. Sa construction s’est achevée il y a quelques semaines, durant les fêtes de fin d’année.
Documentaire d’Aïssa Maïga. Durée: 1 h 29. Sortie le 26/1.