Adieu Monsieur Haffmann - L’usurpateur légitime
Un étonnant thriller psychologique, avec un joaillier juif, son employé et une cave.
Publié le 11-01-2022 à 17h00
À Paris, monsieur Haffmann est connu pour être un joaillier talentueux. Ses fidèles clients apprécient l’élégance de ses broches et son professionnalisme. Malheureusement pour lui, nous sommes en 1941 et il est juif.
Contraint à fuir avec sa famille, il conclut un pacte avec son employé pour sauver sa bijouterie. François Mercier, brave gars bosseur, emménage chez lui pour continuer à faire tourner la boutique. Il la restituera à son propriétaire à la fin de la guerre.
Hélas, une deuxième tuile tombe sur la tête de monsieur Haffmann. Le pauvre homme ne parvient pas à quitter Paris et revient se terrer dans sa propre cave. François Mercier, désormais maître des lieux, prend le risque de le cacher. Mais il lui demande de bosser un peu, tant qu’à faire.
Une cave étouffante
Nous n'irons pas plus loin. Mais on peut vous annoncer que la cohabitation des deux hommes ne sera pas une mince affaire. Le réalisateur, Fred Cavayé, doit avoir un petit côté sadique. Pour rappel, c'est à lui qu'on doit Le jeu, dans lequel on observe un groupe d'amis se déchirer en jouant à se révéler tous les messages et appels reçus durant une soirée.
Il construit ici, au départ de la pièce de théâtre éponyme, un thriller psychologique qui pousse lui aussi ses personnages dans leurs retranchements.
L’ingénieux plan du joaillier s’avère en effet rapidement foireux. Il n’avait pas prévu la lâcheté de son employé, le gaillard. Trop tard. Coincé au sous-sol, il n’a d’autre choix que de se plier à ses règles. C’est simple, comme histoire. Ça peut même paraître vieillot au début mais, une fois qu’on est pris dans l’engrenage, c’est diaboliquement efficace.
D’abord parce que Fred Cavayé tire habilement parti du huis clos inhérent à l’adaptation d’une pièce de théâtre. La sensation d’étouffement de la cave se répand ainsi à l’ensemble de la maison où Mercier et sa femme vivent désormais en usurpateurs légitimes. L’atmosphère pesante est installée, ne reste qu’à dérouler la mécanique du thriller.
Celle-ci doit beaucoup à la complexité des personnages. Car Monsieur Haffmann et François Mercier ne sont pas réduits à de simples archétypes. Le deuxième est même particulièrement intéressant dans ce qu'il révèle de l'âme humaine. Adieu monsieur Haffmann montre ainsi que quand il s'agit de survivre, tous les coups sont permis.
Drame de Fred Cavayé. Avec Daniel Auteuil, Gilles Lellouche et Sara Giraudeau. Durée: 1 h 56.