Un peu, beaucoup, à la folie
"Quand la réalité est banale et triste, inventez-moi une belle histoire": Régis Roinsard adapte le roman à succès d’Olivier Bourdeaut, et le résultat est une fantaisie pétillante au point de vue vacillant.
Publié le 04-01-2022 à 18h02
Georges et Camille s'aiment un peu, beaucoup, à la folie. Né d'une rencontre cocasse dans un hôtel de la Côte d'Azur, quelque part dans les années 60, leur amour les entraîne dans un manège quotidien fait de mélodies jazz (surtout Mr Bojangles de Nina Simone), de fumée de cigarettes et de fêtes endiablées.
Leur amour donne aussi naissance à un petit garçon nommé Gary, qui grandit au milieu de ce joyeux chaos, sous l’œil attendri du meilleur ami de papa, un barbu surnommé L’Ordure (Grégory Gadebois, toujours parfait). Gary le sait, il n’a pas la même vie que les autres enfants: quelle autre mère plonge tout habillée dans le bain pour illustrer la poussée d’Archimède, n’ouvre jamais le courrier, et adopte comme animal de compagnie une grue de Numidie plutôt qu’un chat ou un canari?
Mais toutes ces frasques inopinées et fêtes incessantes sont autant de remparts dressés contre la réalité: sa mère est atteinte d’une maladie mentale. Et quand, un jour, Camille met le feu à la maison, et se retrouve internée dans un hôpital psychiatrique, Georges et Gary se retrouvent livrés à eux-mêmes. L’euphorie laisse place à la mélancolie. La fantaisie résistera-t-elle à la réalité? Ou vaut-il mieux se raconter des belles histoires pour ne pas s’y confronter?
Remarqué en 2012 avec son premier film, le rétro chic Populaire, Régis Roinsard adapte ici le roman à succès d'Olivier Bourdeaut, paru en 2016. Le résultat est une rencontre entre leurs deux univers, cinématographiques et littéraires, pour raconter une histoire d'amour aussi triste que follement belle, quelque part entre Gatsby le Magnifique et Gena Rowlands sous influence chez Cassavetes. Loin du naturalisme, la mise en scène de Roinsard épouse l'envie de fantaisie des personnages: costumes, décors, dialogues, tout pétille. Et surtout Virginie Efira, dont la performance lumineuse remplit d'humanité un personnage qui aurait pu agacer. Mais entre les adultes qui se comportent en enfants, et vice-versa, le point de vue est trouble dans cette fantaisie, qui pèche parfois par excès de légèreté… Jusqu'à romantiser un peu trop la maladie? Heureusement que les émotions sincères du casting permettent par moments de dépasser la superficialité – notamment le touchant jeune acteur Solàn Machado-Graner.
Drame de Régis Roinsard. Avec Virginie Efira, Romain Duris, Grégory Gadebois… Durée: 2 h 05