Des mots et des maux
Mel Gibson se met dans les souliers d’un des papas du premier dictionnaire anglais. On ouvre les cahiers en 1879.
Publié le 23-07-2019 à 17h00
Septante-cinq ans. C’est, à quelques années près, le temps de gestation de l’Oxford English Dictionary, le premier dictionnaire de langue anglaise. C’est qu’il en faut du temps pour pondre plus de 15 000 pages de définitions.
Plusieurs messieurs très distingués se sont bien sûr attelés à la tâche depuis 1857. Notamment le lexicographe écossais James Murray, dont il est question dans The professor and the madman.
Cette adaptation d’un bouquin de Simon Winchester retrace le dur labeur de ce bonhomme qui a consacré trente-six ans de sa vie à répertorier méthodiquement les mots de la langue de Shakespeare en y accolant une définition la plus précise possible.
L’humain derrière les mots1
Dit comme ça, on vous l’accorde, ça ne vend pas du rêve. Cette leçon d’histoire sent effectivement le vieux livre et les pupitres en chêne. James Murray passe beaucoup de temps dans les bibliothèques, ou à converser avec ses homologues dans des salons, à l’abri de la lumière.
Malgré tout, il y avait bien là matière à faire un film. Car cet érudit barbu s’est adjoint les services d’un singulier personnage, Chester Minor. Ce médecin militaire américain nous fait d’abord changer d’ambiance. Interné pour un meurtre dans un hôpital psychiatrique, il occupe son temps à remplir des fiches qu’il envoie ensuite au lexicographe.
C'est là que la chose devient intéressante. Au delà de l'impressionnant recensement, The professor and the madman s'intéresse aux relations humaines. À celle qui se développe au fil de la correspondance entre le médecin taxé de schizophrénie et l'homme de lettres. Cette amitié rend plus digeste ce cours d'histoire assez austère. Fidèle à lui-même, Mel Gibson a donc produit (mais pas réalisé, puisqu'il a laissé la caméra à l'Américano-Iranien Farhad Safinia, dont c'est le premier long) un film d'époque, studieux et fidèle, qui retranscrit la rigueur de ces philologues. Plaisant, à défaut d'être complètement enthousiasmant.
Drame de Farhad Safinia. Avec Mel Gibson, Sean Penn et Natalie Dormer. Durée: 2 h 04.