La plus belle débâcle du siècle
Christopher Nolan signe son film le plus radical et accomplit son rêve en nous faisant revivre ce que les Britanniques ont appelé le «miracle de Dunkerque». Solide, mais peu bavard.
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Publié le 17-07-2017 à 16h02
«Par le réalisateur de The Dark Knight, Inception et Interstellar», annonce opportunément l'affiche du film. Avec Dunkerque, pourtant, Christopher Nolan tranche avec tout ce qui a été son œuvre jusqu'alors. Plus question, ici, d'une quelconque dimension fantastique ou d'une incursion dans le monde angoissant des rêves. On entre plutôt, et de plain-pied, dans un véritable cauchemar: la bataille de Dunkerque et la laborieuse évacuation des troupes britanniques entre le 26 mai et le 3 juin 1940.
Petit rappel, d’abord, pour ceux qui auraient mal suivi leurs cours d’Histoire quand il eût fallu le faire: la bataille de Dunkerque, qui se déroula du 20 mai au 3 juin 1940, constitua un lourd revers pour des forces alliées incapables de repousser l’avancée allemande. Si bien que coupées de leurs arrières par l’ennemi, les troupes prises au piège de Dunkerque et de ses plages furent évacuées à la hâte vers les îles britanniques. Et alors que Churchill espérait initialement ne sauver que 30 000 hommes sur les 400 000 en jeu, ils furent plus de 330 000 (dont une presque moitié de soldats français) ) à être rapatriés, notamment grâce à l’intervention de bâtiments de la marine marchande, de chalutiers et de… navires de plaisance.
Cette vaste opération, intitulée «opération Dynamo» avant d’être rebaptisée «miracle de Dunkerque», hantait le cinéaste qu’est Christopher Nolan depuis de nombreuses années. Mais celui-ci se sentait, alors, trop peu aguerri pour faire face à un projet d’une telle envergure. Depuis lors, de nombreux succès, points d’orgue d’une filmographie sans fausse note, sont passés par là. Et le voici donc à l’œuvre de son premier film de guerre.
Mais Christopher Nolan reste Christopher Nolan. Et n'est pas, surtout, Steven Spielberg. Car même si son Il faut sauver le soldat Ryan fut l'une de ses références, il évite, avec Dunkerque (Dunkirk en anglais dans le texte, ce qui sonne mieux à l'international), de verser dans une grande leçon de patriotisme héroïque. Mais nous conte la guerre telle qu'elle fut. Ou, plutôt, telle qu'il l'a imaginée: âpre, violente (même si pas de scènes gores tripes à l'air, ici: c'est davantage suggéré que montré), peu bavarde aussi puisqu'en dépit d'un casting solide (Tom Hardy, Cilian Murphy et même… Harry Stiles, des One Direction), peu de mots sont échangés par les protagonistes pour laisser toute place au spectacle, assourdissant, d'un monde en plein chaos.
L’approche est radicale, peut-être même un peu déstabilisante, d’autant que le réalisateur s’offre aussi quelques largesses avec l’Histoire (le temps était, fin mai 1940, bien plus clément que dans son film, sans quoi pareille opération eût-elle été vouée à l’échec). Mais elle a, au final, quelque chose de majestueux, que vient appuyer avec la justesse qu’on lui connaît un Hans Zimmer chargé, une fois encore, de la partition musicale. Et le choix de Nolan de tourner en format 70mm (ce qui rend presque indispensable de voir le film en IMax, malgré le peu de salles équipées en Belgique). Rarement débâcle aura été aussi brillante.
Film de guerre de Christopher Nolan. Avec Kenneth Brannagh, Tom Hardy, Mark Rylance et James D’Arcy. Durée: 1 h 46.