Provost, le cinéaste des femmes
Dans «Sage femme», Martin Provost réunit les deux Catherinedu cinéma français pour parler du début et de la fin de la vie.
Publié le 20-03-2017 à 18h45
Martin Provost entretient depuis toujours une relation particulière avec les femmes. Dès son deuxième long-métrage, Le ventre de Juliette, le réalisateur français a fait des portraits de femmes son sujet de prédilection.
En 2007, il révèle Yolande Moreau et obtient la consécration avec Séraphine. Puis il poursuit son travail avec Sandrine Kiberlain et Emmanuelle Devos. Jusqu'à ce jour, où il réunit pour la première fois à l'écran deux grandes dames du cinéma français, Catherine Deneuve et Catherine Frot.
«Je me suis dit que c'était complètement improbable, mais que le tandem allait fonctionner, se souvient Martin Provost. Et ça marche, parce que, justement, ce sont deux mondes totalement différents, qui n'ont rien en commun mais qui se sont apportés beaucoup l'un l'autre dans leurs différences. »
La cigale et la fourmi
Cette réunion survient quand la maladie frappe Béatrice (Deneuve), une femme excentrique qui aime profiter de la vie. Désemparée, elle se tourne vers la seule personne qui lui reste, sa belle-fille, Claire (Frot) qu'elle n'a plus vue depuis trente ans. Une femme sérieuse qui laisse peu de place au plaisir et va apprendre le lâcher prise, au contact de cette belle-mère frivole. Pour le réalisateur, «la légèreté n'est pas superficielle. C'est une vertu de ne pas faire peser aux autres nos angoisses et nos problèmes. Je pense aussi qu'il faut avoir vécu les plaisirs avant de pouvoir les dépasser. C'est très important d'être à la fois cigale et fourmi.»
Pour mettre en scène cette rencontre, le réalisateur a choisi un univers particulier pour lui, celui des sages-femmes. « J'ai été sauvé par une sage-femme à ma naissance. Elle m'avait donné du sang, alors que j'étais entre la vie et la mort », confie Martin Provost. Il a donc voulu rendre hommage à une femme et à une profession essentielle, dont on parle peu. Un métier parmi les plus anciens, aujourd'hui bousculé par des changements.
Car en plus de la présence envahissante de sa belle-mère, Claire doit faire face à la fermeture de sa petite maternité, remplacée par une usine à bébés. Un projet colossal, dont le réalisateur se méfie: « Je ne suis pas du tout ennemi des technologies et des évolutions techniques de notre monde, mais il y a un équilibre à trouver en tout cas. Que ça ne soit pas juste pour du rendement et qu'on respecte ce moment qui est quand même un moment clé de notre existence.»
Et de souligner une évolution positive de cet univers traditionnellement très féminin: «Autrefois, les hommes on les écartait, c'était une affaire de femmes. Ça a changé, l'homme a le droit de voir que sa femme souffre et prend conscience de ce qu'est une naissance. Alors qu'avant, tout ça était écarté pour ne pas que l'homme soit dégoûté. C'était terrible, ça voulait dire assujettir la femme à un rôle de séduction et pas autre chose », termine le cinéaste.
Drame de Martin Provost. Avec Catherine Deneuve, Catherine Frot et Olivier Gourmet. Durée: 1 h 57. Sortie le 22/3.