Malaise au sein de la RTBF: "Le climat est super-lourd"
Les journalistes de la RTBF veulent du changement. Pigistes, charge de travail, organisation du travail… Autant de thèmes dont ils veulent débattre.
Publié le 20-03-2023 à 06h41
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Rétablir la confiance: les jours qui viennent seront cruciaux pour la direction de la RTBF. Le suicide du journaliste Alain Dremière le 14 février dernier a fait remonter à la surface une série de problèmes récurrents qui font qu’un certain mal-être s’est installé au fil des dernières années au sein de la rédaction. "Le climat pour l’instant est super-lourd", nous indique un membre de la rédaction radio de Reyers, que nous appellerons Mathieu (prénom d’emprunt) pour préserver son anonymat.
"Des pions que l’on déplace"
Dans un courrier de la Société des journalistes (SDJ) adressé au comité exécutif de la RTBF la semaine dernière, on retrouve quatre revendications principales. La première concerne une amélioration substantielle des conditions de travail des pigistes et des travailleurs en situation incertaine. "Ils sont appelés tout le temps et partout. Ce sont des pions que l’on déplace", nous indique Mathieu.
Dominique (prénom d’emprunt), journaliste à la RTBF, confirme cette surcharge de travail. Il nous explique aussi le système de quotas qui a été mis en place voici quelques années: "Il y a un quota de piges par service et par personne. En tant que pigiste, on ne peut pas avoir un temps plein, afin de ne pas être considéré comme un faux indépendant. Les pigistes sont donc encouragés à varier leurs collaborations. Si cela part d’une bonne intention, cela pose d’autres problèmes. Car une grosse partie des sujets à l’antenne sont produits par des pigistes, et donc quand on ne peut plus faire appel à eux, cela crée un souci."
La deuxième revendication de la SDJ vise à une diminution de la charge de travail "conforme à un juste équilibre entre les moyens alloués et les objectifs stratégiques" de la RTBF. "On s’est tellement multiplié sur plein de plateformes différentes sans avoir réduit la voilure en télé ou en radio que certains sont débordés, indique Mathieu. On leur demande de trop: pour un sujet, il faut fournir la télé, la radio, le web, les réseaux… C’est compliqué, d’autant que tout le monde n’est pas formé de la même manière. Et puis, certains collègues de la radio ne sortent même plus sur le terrain. Ils attendent que le collègue de la télé revienne de reportage et enregistre sa matière afin de retravailler le sujet pour son média. Il y a donc une perte de sens du métier chez beaucoup de gens."
"C’est tendu au niveau du flux, confirme Dominique. Mais c’est aussi inhérent au métier. C’est normal de se développer sur plusieurs plateformes pour toucher plus de public. C’est chouette de toucher à tout, mais il faut aussi laisser le temps aux gens."
Horaires tardifs
Dans son courrier, la SDJ demande aussi "un meilleur processus d’encadrement des malades de longue durée à leur retour" et une "organisation du temps de travail plus en phase avec les réalités professionnelles et privées."
"Moi j’arrive à faire la part des choses, nous dit Max (prénom d’emprunt) qui travaille dans un centre régional de la RTBF. Je pense peut-être me trouver dans ceux qui sont minoritaires et qui se sentent bien à la RTBF, mais c’est sans doute parce que j’arrive à prendre de la distance. J’aime mon job, mais ce n’est pas ma vie. Mais je comprends que ce ne soit pas le cas de tout le monde. Il y a des gens qui n’ont pas cet équilibre entre vie privée et vie professionnelle et qui sont sur les rotules."
L’un des soucis est que les horaires ne sont pas toujours communiqués longtemps à l’avance. "Cela arrive que l’on nous les communique seulement un mois à l’avance, note Mathieu. C’est dur à vivre pour certains. En plus, ces horaires sont faits par des gens qui ne sont plus les chefs directs, mais des employés dont c’est le boulot. Ils font ce qu’ils peuvent, mais ils ne sont pas toujours au courant des spécificités de chacun. En plus, certains pigistes – et je les comprends – ont décidé de ne plus décrocher leur téléphone à chaque fois pour boucher les trous. Tous les malades ne sont plus remplacés et tous les services ne sont plus assurés. Mardi dernier, au service international, en radio, il n’y avait qu’une personne pour toute la journée ! En plus, il y a une multiplication des cas de burn-out aussi dans la hiérarchie."
Un audit externe
Le dossier a été évoqué mardi dernier en commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes à la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Interrogée par plusieurs députés, la ministre Linard a indiqué "qu’un projet de plan d’action qui doit encore être négocié en interne, notamment avec la SDJ et les syndicats. Ce plan prévoit notamment une analyse externe indépendante des dispositifs devant être adaptés ou créés et de toute autre action à mettre en œuvre à la RTBF pour améliorer le bien-être du personnel." La ministre a l’intention de rencontrer des représentants du personnel cette semaine.