L’exil à travers leurs yeux d’artistes
La Cité Miroir de Liège accueille une exposition qui permet d’entrevoir la douleur de l’exil à travers le regard d’artistes eux-mêmes exilés.
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- Publié le 20-02-2023 à 07h30
- Mis à jour le 20-02-2023 à 07h31
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La Cité Miroir se mue en terre d’accueil pour une exposition poignante ayant pour thème l’exil. "Avec Mères d’exil , nous avons voulu évoquer l’exil à travers le regard des artistes mais surtout de celui d’artistes exilés eux-mêmes, explique Jean-Michel Heuskin, directeur de la Cité Miroir. Nous avons rassemblé une soixantaine de travaux d’artistes locaux et internationaux qui évoquent la traversée, les raisons du départ, le traumatisme parfois."
Comme souvent à la Cité Miroir, l’exposition éveille les consciences, fait réfléchir le visiteur et le questionne tout au long de sa déambulation tout en proposant des œuvres "mouvantes": il y a des sons, des images, des œuvres qui bougent… C’est dans ce même esprit que la plasticienne d’origine palestinienne, exilée en Syrie, Maryam Samaan a voulu son œuvre. Composée de dizaines de petites figurines en papier mâché suspendues à des fils, elle propose sa vision de l’exil. "Ces personnages sont déformés tout comme la vision qu’on a de ces exilés qui débarquent dans un pays étranger, explique-t-elle avec beaucoup d’émotions. C’est aussi pour exprimer cette “déformation” de nous-même lorsqu’on est exilé: ce voyage très pénible nous transforme en profondeur, il laisse des marques. Et puis, j’en ai fait beaucoup pour exprimer l’idée de masse. Les exilés sont comptés: il y a 1 000 migrants ici, 30 000 là-bas mais il n’y a plus de Maryam ou de Mohamed, ils sont oubliés."
L’œuvre mobile de Maryam Samaan possède aussi une petite lampe qui permet aux visiteurs de projeter les ombres de ces personnages sur le mur. "Quand on a plus de recul qu’ici, ces personnages peuvent atteindre la taille humaine !"
Impuissants et révoltés
Dans un vaste cube, au centre de l’ancien bassin de Sauvenière, se tient l’œuvre du Français Jean-Paul Philippe. Une barque en pierre blanche, coupée en deux et dont la dérive est symbolisée par une colonne vertébrale. "Le projet a débuté en 2008 lorsque j’ai été invité sur l’île de Lampedusa, raconte l’artiste français de 73 ans. Il était prévu d’y créer une œuvre sous la forme d’une marelle dont chaque case serait occupée par une citation d’un artiste. Puis, les premiers naufrages de migrants ont eu lieu et je ne pouvais pas fermer les yeux. Le projet de marelle ne s’est finalement pas concrétisé et j’ai eu l’idée de cette barque anthropomorphe qui symbolisait bien pour moi, le drame en cours." L’installation est encadrée de centaines de mains "qui évoquent autant l’espoir que le désespoir".
Tout au long du parcours, on est interpellé par les émouvantes valises de Costa Lefkochir (d’origine grecque), les casques militaires ornés de fleurs rouges et or de l’Ukrainienne Tetania Cheprasova ou encore les photographies éminemment poétiques des plages anonymes aux barques abandonnées signées par l’Algérien Bruno Boudgelal.
Peintures, sculptures, photographies, installations, projections… Mères d’exil parvient à créer l’émotion partout où se pose le regard. Une émotion renforcée par les dizaines de gilets de sauvetages qui encadrent le grand bassin et par le bruit constant de ces vagues pas si innocentes.
"Mères d’exil", jusqu’au 28/05 à la Cité Miroir à Liège – www.citemiroir.be.