Au MIMA, une expo coup de poing : “En Belgique, on ne prend pas soin du boxeur” (vidéo)
Le MIMA monte un ring de boxe dans sa grande salle. Le musée molenbeekois y organise initiations, entraînements et combats. Photos, vidéos, fresques, jeux vidéo : son expo “Local Heroes” est un hommage ludique au noble art. Et prouve que le lieu boxe dans la catégorie poids lourds.
Publié le 04-02-2023 à 13h37
Devant les casiers du vestiaire, Yassine Laabidi lace ses bottines. Le boxeur descend de ring. Il semble à peine essoufflé. Et pas même marqué par les quelques gnons que lui a envoyés son sparring-partner du jour, Yassine Bendada. Ces boxeurs se connaissent. Ils travaillent souvent leur jeu de jambes ensemble. Mais ils ne l’avaient jamais fait… au musée. C’est pourtant dans le calme du MIMA qu’ils viennent de faire claquer leurs gants.


Boxer au musée, ça fait des nouvelles sensations. Ce n'est pas le même public ni la même ambiance. Ça permet de toucher d’autres personnes.
Le ring bleu de la Brussels Boxing Academy est la clef de voûte de “Local Heroes”, la nouvelle expo consacrée au noble art qui s’ouvre au MIMA à Molenbeek. Idée géniale : les boxeurs bruxellois s’y succéderont pour échanger quelques crochets durant les heures de visite. Plus fort : de vrais combats y seront organisés. “On aura deux scénarios”, précise Raphaël Cruyt, curateur. “Soit des boxeurs occupent le ring, soit on y projette des vidéos avec une ambiance sonore qui va crescendo, des souffles aux encouragements du public comme dans un vrai gala”. Yassine Laabidi ne boude pas son plaisir. “Ça fait des nouvelles sensations. Ce n’est pas le même public ni la même ambiance. Présenter la boxe dans le milieu artistique, ça permet de toucher d’autres personnes”.
Peignoirs et mythologie
Tout sourire, celui qui boxe au haut niveau amateur jette un regard sur les ensembles peignoir-short bariolés suspendus à quelques mètres des casiers. Ce sont eux qui sont sous les projecteurs. “Elles sont superbes, ces tenues”, sourit le petit gabarit de moins de 60 kilos, qui compte bientôt passer pro. “Elles sont personnalisées : ça change des basiques habituels”. Ces vêtements flirtent entre l’équipement de sport et le stylisme mode le plus original. On les doit à Kenza Vandeput-Taleb. La designeuse bruxelloise les a créés en recyclant tissus orientaux et matériaux synthétiques qu’on porte tous pour nos joggings ou matchs du dimanche. Elle y mélange les cultures nord-africaines et les références pop et streetwear, affichant autant des logos de marques que des surpiqûres qu’elle crée elle-même. “J’adore le travail de Kenza”, reprend Yassine Laabidi, qui vient de quitter un short aux reflets dorés. “Je le porterai quand je boxerai durant l’expo”. Les gloires locales ont aussi revêtu ces parures de cérémonie pour un shooting qui leur donne des airs de dieux mythologiques, dans le dernier espace de l’expo.


En Belgique, on ne prend pas soin du boxeur, mais du VIP. Le boxeur qui vient combattre en gala, il n'a même pas un sandwich alors qu'il souffre.
Au MIMA, Yassine Laabidi ne se contente pas de jouer les Rocky : il assure aussi des initiations. “On donne déjà des cours aux jeunes. On va les déplacer ici, partager l’expérience. Et il y aura aussi des femmes”. Mohammed Idrissi, entraîneur et éducateur, assure que “ça va donner confiance aux jeunes”. C’est grâce à la collaboration avec la Brussels Boxing Academy (BBA) et l’Idrissy Boxing Pro (IBP), deux clubs dirigés par ce Bruxellois, que les ponts entre les salles de sport et d’expo ont été franchis. “Un boulot de dingue ! Mais ce n’est pas un hasard. La boxe, c’est un art, le noble art”. L’ancien pro, qui a coaché l’équipe nationale belge, espère ainsi “rendre la boxe plus populaire, mais aussi la montrer comme une philosophie, une hygiène de vie, un sport noble, pas agressif”.
De quoi aussi rattraper un peu l’affront permanent fait aux boxeurs. “Y a pas beaucoup d’argent dans la boxe”, déplore Yassine Laabidi, pourtant champion de Belgique. “Même pro, financièrement, ça rapporte rien du tout. C’est la passion qui guide”. Le coach Mohammed Idrissi lâche un uppercut : “En Belgique, on ne prend pas soin du boxeur, mais du VIP. Le boxeur qui vient combattre en gala, il n’a même pas un sandwich alors qu’il souffre. La boxe, c’est pas le tennis ou le golf, c’est le sport du pauvre. Ici au MIMA, on va prendre soin d’eux. Mieux que les politiciens qui viennent faire leur photo avec eux lors des combats”. Crochet. KO.
La boxe, vraiment un art

Avec ce ring de boxe est dressé au 2e étage, le musée logé dans l’ancienne brasserie Belle-vue garde haut la main sa ceinture de champion poids lourd de l’offre culturelle tous publics à Bruxelles. Lors de votre visite, vous croiserez peut-être l’une ou l’autre gloire locale filer quelques gnons à un compagnon de salle, sous l’œil attentif de leurs coachs. Au gong final, de fan de boxe vous redeviendrez visiteur de musée : “Local Heroes” est bel et bien une véritable expo. Des superbes photos documentaires noir et blanc, des portraits de boxeurs bruxellois en “demi-dieux”, des affiches, des films, des shorts et peignoirs bariolés créés par une styliste ou une ligne du temps street-art où se croisent Ali, Rocky et la star molenbeekoise Delfine Persoon alignent crochets du droit artistiques et uppercuts visuels. On n’oublie pas la borne d’arcade où tournent Tekken et Street Fighter, moins risqué qu’une escapade entre les cordes mais plus délicat à manier avec les gants. Ni les punching-balls et sacs de sable où vous tenterez quelques moulinets. Bref, vous avez là une expo coup de poing et, comme toujours au MIMA, très ludique, qui donne au noble art les atours d’un art noble.
+“Local Heroes”, jusqu’au 28 mai 2023 au MIMA, quai de Hainaut 39-41 à 1080 Molenbeek, 13,50€. Nocturne les 2 mars, 6 avril, 4 mai. Interclubs de boxe les 11 mars, 29 avril, 20 mai. Boxe éducative pour les enfants 29 mars, 17 mai.