L’affaire d’Outreau sur RTL TVI: les coulisses d’un fiasco
Après l’affaire Wesphael ou le drame du Heysel, RTL TVI revient avec un docu-fiction de qualité sur l’affaire d’Outreau. Diffusion deux mardis de suite, avant France 2.
Publié le 10-01-2023 à 09h00
:focal(544.5x314:554.5x304)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/2TA7TCQ3FVFDNMDTCYLQGOYUGE.jpg)
Outreau. Le nom de cette bourgade française située au sud de Boulogne-sur-Mer est à jamais lié à un dossier de pédopornographie synonyme d’un des pires fiascos judiciaires en France. Plus de vingt ans après les premiers faits, un docu-ficiton coproduit par RTL TVI et France Télévisions sous la supervision de Georges Huercano – l’un des premiers journalistes à émettre des doutes sur la véracité des faits – revient sur cette histoire hors-norme qui a conduit au renvoi de dix-sept personnes devant la cour d’assises de Saint-Omer puis à la condamnation de six personnes innocentes.
Proportions inattendues
Petit rappel des faits. Cette histoire cauchemardesque trouve ses racines à la fin de l’année 2000, dans le quartier de la Tour Renard, à Outreau. Les enfants du couple formé par Myriam Badaoui et Thierry Delay sont placés suite aux violences subies par leur père. Ils racontent alors avoir été obligés de regarder des cassettes pornographiques avec leurs parents. Puis ils vont plus loin et indiquent que leurs parents "leur font des manières." Devant le jeune juge Bourgaud, les parents vont avouer. Puis Myriam Badaoui va donner des proportions inattendues à l’affaire en impliquant une dizaine de personnes dans le dossier. La machine judiciaire est lancée et les médias suivent.
Malgré les incohérences du dossier, le procès d’Outreau s’ouvre le 4 mai 2004. Dix-sept personnes sont poursuivies pour des faits horribles. Quatre plaident coupables: Thierry Delay, Myriam Badaoui et leurs voisins de palier, David Delplanque et Aurélie Grenon. Les treize autres plaident l’acquittement. Parmi eux, on retrouve Daniel Delay père et fils ; l’huissier de justice Alain Marécaux, Roselyne Godard, la boulangère ; le prêtre Dominique Wiel ; Thierry Dausque, un voisin…
Sept des treize accusés qui nient les faits sont acquittés. Six autres sont condamnés ! Il faudra attendre le procès en appel à Paris en novembre 2005 pour que la vérité éclate enfin. Myriam Badaoui avoue avoir menti. Le jeudi 1er décembre 2005, un verdict d’acquittement général pour l’ensemble des accusés tombe. Le 5 décembre, le président de la République Jacques Chirac prend la parole: "Que des gens aient été incarcérés pendant un grand nombre de mois pour être finalement reconnus non coupables, c’est inadmissible et au niveau des droits de l’homme c’est profondément choquant. […] On leur doit une réhabilitation, y compris matérielle, importante. […] La justice, si elle a fait des erreurs, doit payer elle-même et cher."
Au cœur de l’affaire
Mais comment un tel fiasco a-t-il pu être possible ? À l’heure où certains expriment encore des doutes, le docu-fiction réalisé par Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal reprend le dossier à zéro. Les réalisateurs nous plongent au cœur de l’affaire grâce à la participation de quatre des accusés innocentés (Thierry Dausque, Daniel Legrand, Alain Marecaux, Dominique Wiel), de l’un des douze enfants reconnus victimes (Jonathan Delay) et de François-Xavier Marecaux (le fils d’Alain Marecaux). Le juge Bourgaud a été contacté mais n’a pas souhaité participer au film. "L’idée est de redonner la parole aussi bien aux enfants victimes qu’aux accusés innocentés par la suite, avance Agnès Pizzini. On pose une série de questions auxquelles on répond sur base du dossier judiciaire."
Ces témoins directs des faits nous font revivre, aux côtés des acteurs qui jouent leur rôle, le cauchemar qu’ils ont vécu, un peu comme si c’était du théâtre filmé. "Depuis mes premiers films, cette distinction fiction-réalité m’a toujours attiré, concède Olivier Ayache-Vidal. Ici, pour mon premier documentaire, c’était l’occasion de mélanger ces deux aspects. L’envie était de créer autre chose."
Le parti pris est d’emblée très clair: il s’agit de réaffirmer l’innocence de tous ceux qui ont été condamnés à tort. "Quand j’ai lu le dossier d’instruction, il y avait la vérité judiciaire, mais j’avais entendu d’autres sons de cloche, poursuit Olivier Ayache-Vidal. Mais après avoir travaillé longtemps sur le projet, il y a une évidence. J’ai donc voulu mettre tout en œuvre pour qu’à la fin, il n’y ait pas de doute à ce sujet. C’est notre conviction et celle de la justice."
Quant aux causes du fiasco, le duo de réalisateurs a son opinion. "Il y a énormément de paramètres, avance Olivier Ayache-Vidal. La jeunesse du juge, le soutien aveugle de sa hiérarchie, les médias, la prise en compte de la parole des enfants par les policiers, une mauvaise défense pour certains…"
Diffusé aujourd’hui et mardi prochain, ce film a pour objectif de mettre un point final à un dossier qui a secoué la justice française. "Il nous montre que la justice reste faillible si tout le monde ne garde pas la bonne distance, analyse Georges Huercano. Et cela peut encore arriver à n’importe qui. Ce film permet aussi de voir la difficulté d’appréhender la parole d’enfants dans des accusations."
RTL TVI, 19.50