Dans un monde en reconstruction
Sur fond d’Algérie rêvant de liberté et de la naissance d’Israël, Akli Tadjer signe, avec « D’audace et de liberté », une belle histoire d’amour.
- Publié le 31-05-2022 à 06h00
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Ils étaient trois amis, Adam, Tarik et Samuel. Issus du même village de Kabylie, ils avaient été enrôlés de force au début de la guerre, avant d’être casernés à Verdun puis de s’évader d’un camp, comme l’a raconté Akli Tadjer dans son précédent roman, D’amour et de guerre (réédité chez Pocket). Réfugiés dans le Paris occupé, ils ont partagé le même logement jusqu’à ce que Samuel, parce que juif, soit déporté en même temps que leur voisin de palier, père d’une jeune fille, Elvire. Aujourd’hui, en 1946, Adam, de passage dans son village natal pour l’enterrement d’une tante, retrouve Tarik, devenu un cheik très influent et rigoriste. Et revoit Zina, la fille dont il était follement amoureux et qu’il avait été contraint d’abandonner, désormais mariée à un caïd local et mère d’un garçon.
Mais sa vie est désormais à Paris où il dirige la tannerie familiale d’Elvire, avec qui il vit. Une fois par semaine, il réunit quelques compatriotes pour imaginer une Algérie indépendante, ces anciens combattants se révélant très critiques envers la France qui, une fois la paix revenue, s’est montrée bien peu reconnaissante à leur égard, les renvoyant à leur statut d’immigrés. Le couple apprend que Samuel et le père d’Elvire, revenus des camps, se sont installés en Palestine, toujours sous domination anglaise, pour construire la nouvelle nation israélienne.
S’attachant à Adam, D’audace et de liberté ancre, dans une période où chacun cherche à se reconstruire, des rêves qui permettent de croire à demain. Mais, en attendant, il faut bien vivre, et Akli Tadjer rend par exemple superbement compte du quotidien de la tannerie et de ses ouvriers algériens confrontés sans arrêt au racisme et au rejet des Français. Il rappelle aussi qu’un couple mixte, comme celui que forment ses deux héros, n’est pas "normal", et ne résiste pas à l’amitié, fût-elle ancienne et profonde, comme le jeune homme s’en rend compte lorsqu’il retrouve Tarik et Samuel.
Une fois encore, avec ce très beau livre, l’auteur du Porteur de cartable ou de Bel-Avenir confirme l’attention qu’il porte à ses personnages riches d’une humanité qui nous les rend sensibles et proches. Il se montre aussi très juste dans la reconstitution de cette époque incertaine, tant en France, qu’en Algérie et dans la partie de la Palestine qui prendre bientôt le nom d’Israël.
Akli Tadjer, «D’audace et de liberté», Les Escales, 288p.