Noir Burlesque - Des armes, des femmes et des chapeaux mous
Enrico Marini se vautre avec un plaisir évident dans un polar en noir, en blanc et en rouge, qui sent bon les années 50.
Publié le 04-11-2021 à 07h00
Tout qui aime la bande dessinée connaît forcément le travail d'Enrico Marini. Le dessinateur suisse est considéré comme l'un des dessinateurs les plus habiles de sa génération, et compte à son palmarès quelques séries majeures du neuvième art contemporain: Scorpion, L'étoile du désert, Gipsy ou encore Rapaces.
Mais c'était, alors, sur des scénarios écrits par d'autres, de Stephen Desberg à Jean Dufaux en passant par Thierry Smolderen. Bref, avant que le Suisse ne se sente pousser l'envie de cumuler texte et dessin. Un désir d'abord concrétisé sur Les aigles de Rome (cinq tomes entre 2007 et 2016), un peplum sanglant sur fond de conflit entre Romains et Germains, puis avec The Dark Prince Charming, un one-shot aux allures de fantasme consacré à la figure mythique de Batman.
«Slick» entend renouer avec son amour perdu… mais elle parade désormais au bras du chef de la pègre locale
Quatre ans et un album du Scorpion plus tard, revoici Marini avec un projet plus personnel: une plongée dans les États-Unis des années 50, ceux qui sentent bon la poudre, le whiskey, les gnons et les femmes de petite vertu. Le héros de Noir Burlesque, celui que l'on surnomme "Slick", renoue d'ailleurs, au début de ce premier volet, avec un amour perdu: Deb, devenue "Caprice", une danseuse de cabaret qui partageait jadis sa vie et son lit, mais qu'il avait quittée pour s'engager dans l'armée. Pas de bol: la voilà désormais au bras de Rex McKinty, le boss de la pègre locale… et le gars auquel il doit un paquet de pognon depuis qu'il a foiré le casse d'une bijouterie.
Marini en mode Dick Tracy
Vous l’avez compris: l’ambiance est au polar noir. Noir, blanc et rouge, même, puisque ce sont les seules couleurs que s’autorise Marini, qui œuvre ici en auteur complet, pour rendre l’atmosphère d’une époque qui colle parfaitement à ses multiples talents.
Si le scénario est plutôt convenu, et les dialogues un peu fainéants à force de prendre la pose, le découpage et le trait toujours aussi génial du jeune quinquagénaire (52 ans) font bien sûr merveille. Et il faut être de marbre pour ne pas succomber au charme ravageur, et du bellâtre, et de l’incandescente Caprice.
Marini se permet même, dans un album que n'aurait pas renié Chester Gould, le créateur de Dick Tracy, d'insérer, ci et là, des notes d'humour souvent référencées qui feront le bonheur des chasseurs de bons mots. De la belle ouvrage, soignée et endiablée. Bref, du Marini.
Dargaud «Noir Burlesque», Marini, 96 p., 18€.