Enfances perdues - Les sales coulisses de la police
Agnès Naudin, vraie flic et scénariste en herbe, a traqué les délinquants sexuels français. Elle le raconte dans un album choc.
- Publié le 13-10-2021 à 08h00
Pendant trois ans, elle a travaillé au sein de la brigade territoriale de la protection de la famille. Là, Agnès Naudin a découvert la face la plus sombre de l’humanité, y côtoyant la pédophilie, la maltraitance, ou encore l’inceste.
Difficile de ne pas être touchée par les histoires qui y sont déballées: «Au début, on ne s'en rend pas vraiment compte, analyse la capitaine de police. On est dedans, on n'y pense pas, et puis, un jour, le corps tire la sonnette d'alarme lui-même.» Pour exorciser ces nouveaux démons, Agnès Naudin se lance dans l'écriture. Elle publiera trois bouquins venus relater cette expérience «riche, mais difficile».
Il n’y a pas de frontières pour les infractions sexuelles: tous les milieux sont touchés.
Aujourd'hui, elle ouvre un nouveau chapitre et dévoile ce drôle de quotidien dans une bande dessinée, «un bel exercice de lâcher-prise, car il faut dire autant de choses en moins de mots, et avec l'appui d'un dessin que je ne maîtrise pas».
On la suit à sa prise de fonction. Puis, comme elle, on entre de plain-pied dans le sordide: ici, une gardienne d’enfants accusée de mauvais traitements, là une fille violée par son père pasteur, là encore une mineure soupçonnée de s’être débarrassée, de façon radicale, de son second enfant. Et, en fil rouge, les manipulations d’un délinquant sexuel en train de tisser sa toile autour de ses futures victimes.
14 fonctionnaires pour toute la France
Ce n’est pas forcément facile à lire, mais raconté avec le détachement de l’officier de police, lequel permet de mettre un peu de distance avec les horreurs dont il est question. Rien, d’ailleurs, n’est montré frontalement.
Il est par contre évident que cette brigade manque cruellement de moyens pour traquer ses cibles: «On n'a pas fini d'ouvrir les yeux, annonce Agnès Naudin à ceux qui s'étonnent du contenu de ces enquêtes. En France, pour l'instant, on est occupé avec l'inceste, mais vous verrez que dans les deux ou trois ans sortiront de grosses histoires de pédophilie. Le problème, ce sont les moyens alloués pour combattre ces fléaux: en France, on a en tout et pour tout 14 fonctionnaires spécialisés dans les arrestations des gros pédocriminels. À titre de comparaison, en Allemagne et en Angleterre, ils sont… entre 200 et 300.»
Un travail rendu encore plus difficile par la nature de cette délinquance sexuelle, passée au numérique. Et qui ne se limite pas à un milieu social: «S'il y a bien une chose que j'ai comprise durant ces trois ans, conclut Agnès Naudin, c'est qu'il n'y a pas de frontières pour les infractions sexuelles: tous les milieux sont touchés, des plus riches aux plus défavorisés. »
«Enfances perdues», Naudin/Bartoll/Nosal, Robinson, 80 p., 19.99€.