Alex Alice, ou l’autre conquête de l’espace
Dans «Le château des étoiles», la série vedette des éditions Rue de Sèvres, dont le tome 6 vient de sortir, Prusse, Bavière et Second Empire français se disputent la lune, Mars ou Vénus.
- Publié le 30-09-2021 à 07h00
Depuis 2014, Alex Alice revisite, avec Le château des étoiles, la conquête spatiale en usant d'un biais amusant: du voyage lunaire aux premières expéditions martiennes, tous les événements se déroulent au XIXe siècle, si bien que ce ne sont pas les États-Unis et l'Union Soviétique qui se disputent la voie lactée, mais bien la Prusse, la Bavière ou le Second Empire français.
Vénus et ses dinosaures
On pourrait parler d'uchronie, puisque le terme – qui désigne un récit d'événements fictifs nés d'une distorsion historique – est à la mode. Mais l'auteur français, jamais à cours d'inventions, lui préfère un néologisme de sa composition: « J'appelle ça une… ucosmie, sourit ce grand garçon qui possède, avec son crâne chauve et ses fines lunettes, des airs de savant délicieusement fou. C'est le même principe que l'uchronie, sauf que l'on suppose, ici, que l'univers est tel que nous l'imaginions à l'époque. Ainsi, dans ma série, Vénus est une jungle brumeuse et humide peuplée de dinosaures, ainsi que le voulait le consensus scientifique du XIXe siècle.»
Ce n’est pas parce qu’on ne croit plus aux Martiens qu’il n’en reste rien dans l’imaginaire collectif d’une époque
L'idée, géniale, fait du Château des étoiles un des classiques de son temps, où la beauté du dessin complète un propos empreint d'une poésie d'un autre temps. Un temps où tout était encore à découvrir. Bref, le temps des mystères: «J'admire beaucoup, dit Alex Alice, ceux qui sont capables de produire de la science-fiction à partir du monde d'aujourd'hui. Mais finalement, je fais moins de la SF que je n'exploite la mythologie de la conquête spatiale. Une mythologie que, c'est vrai, les progrès technologiques ont battue en brèche. Mais ce n'est pas parce qu'on ne croit plus qu'on va rencontrer des Martiens sur Mars, une chose à laquelle on a cru très fort, qu'il n'en reste rien dans l'imaginaire collectif d'une époque. »
Dans le dernier volet de la série, ses héros reviennent toutefois sur Terre, pour une grande exposition interplanétaire qui n'est pas sans rappeler les grandes expositions universelles d'antan. Une façon de critiquer, en creux, les dérives coloniales d'alors, «même si c'était aussi une façon merveilleuse de découvrir le monde à une époque où la télé n'existait pas», conclut l'auteur.
Rue de Sèvres «L’exposition interplanétaire de 1875», Alex Alice, 64 p., 14.50€.