La Résistance à hauteur de môme
Ers et Dugomier se placent à la hauteur des plus jeunes pour leur raconter, avec un didactisme qui n’a rien de ringard, la Seconde Guerre mondiale. Un must.
Publié le 18-05-2015 à 07h44
C'est le genre de bande dessinée qui manque au paysage actuel, lequel passe généralement sans transition de la plus franche rigolade au récit adulte. Avec Les enfants de la résistance, Ers et Dugomier, un duo connu pour son travail sur Les démons d'Alexia, se positionnent judicieusement entre les deux, et se proposent de raconter la Seconde Guerre mondiale aux enfants sans, dans le même temps ennuyer les adultes. «C'est un peu conçu comme un téléfilm familial, approuve Vincent Dugomier, le scénariste. On n'occulte pas les horreurs de la guerre, mais on ne les montre pas frontalement non plus. »
De l’Exode à Jean Moulin
Ce n'est d'ailleurs pas le propos de ce premier volet, qui s'échine surtout à évoquer les prémices de la Résistance, alors que le pays venait d'être envahi par l'occupant allemand. Une période bien moins connue qu'il n'y paraît, assure l'ami Dugomier. «Souvent, les fictions qui traitent du sujet débutent avec la débâcle de 40, l'Exode, les Stukas qui bombardent les villes, analyse-t-il. Puis, elles font un saut dans le temps et redémarrent en 43 quand tout est déjà organisé, avec Jean Moulin, tout ça. »
Ce qui a motivé les deux compères, c'est au contraire l'envie d'évoquer le quotidien d'un village français lambda – et imaginaire, dans le cas qui nous occupe – lorsque se feront entendre les premiers claquements de bottes. Et amèneront quelques citoyens à se poser la question d'une révolte, ne fût-ce qu'intellectuelle. «Il existe peu de documentation sur cette époque, souligne Benoît Ers. Parce que les gens n'aimaient pas la raconter: ils étaient désorientés, se trouvaient nuls et parfois incapables de se forger une véritable opinion sur le conflit en cours, surtout avec un Pétain qui brouillait les lignes. Certains, aussi, n'ont parfois pas compris qu'ils faisaient un truc formidable en imprimant un tract de protestation, par exemple. Or, à l'époque, le risque était tout de même beaucoup plus important que deux ou trois ans plus tard. Quand on disait à son voisin qu'on avait envie de résister, on avait une chance sur deux d'être trahi. Plus tard, quand un réseau structuré prenait contact avec Londres, qui le mettait lui-même en contact avec un autre réseau structuré, le danger de se faire pincer était tout de même plus mesuré. »
On est loin, donc, ici, des images d'Épinal qui courent sur l'idéal résistant: les camions qu'on fait exploser, les lignes de train qu'on sabote, les Allemands qu'on mitraille, etc. «On le fantasme beaucoup aujourd'hui, reprend Dugomier, mais ce type de sabotage n'a finalement existé que dans les derniers mois du conflit, alors qu'il convenait de préparer le pays à l'invasion américaine qui se profilait. »