Déjà 10 ans pour «Schnock», la revue «des vieux de 27 à 87 ans»

C’est quatre fois par an, avec en couverture, des mythes ou icônes de la culture française des années 60 ou 70, revisités par de nouveaux témoignages et un regard décalé, gourmand et plein d’érudition. C’est «Schnock», un magazine français qui fête ses 10 ans…

Déjà 10 ans pour «Schnock», la revue «des vieux de 27 à 87 ans»
Un trimestriel au ton érudit et décalé, qui se régale des grands mythes de la scène ou du cinéma français. ©

Pour le 39e numéro, un dossier sur Jean Rochefort. «Une façon de boucler la boucle, nous explique le corédacteur en chef et fondateur Christophe Ernault, puisque le numéro un avait été consacré à Jean-Pierre Marielle».

Dans le renouveau de la presse «papier», il y a eu depuis 20 ans la vague «So Foot»

 Le nouveau numéro (le 49e), avec un dossier Jean Rochefort.
Le nouveau numéro (le 49e), avec un dossier Jean Rochefort. ©

(suivi de «So Film», «Society» et une kyrielle d'autres publications) mais aussi «Schnock», qu'on trouve surtout dans les librairies en Belgique, édité par une petite maison parisienne La Tengo éditions.

La genèse de la revue, sa démarche? Christophe Ernault raconte: «Voilà dix ans, comme je suis aussi chanteur sous le nom d'Alister, j'avais été interviewé par Laurence Remila, un confrère du magazine Technikart. Nous nous étions bien entendus et avions constaté notamment que beaucoup d'artistes français de valeur étaient un peu tombés dans l'oubli, qu'ils méritaient une réhabilitation. Jean Yanne, par exemple, ses films ne passaient plus à la télé, ses sketches ou émission de radio étaient bien loin. Et nous avons réfléchi à un projet de magazine qui reparlerait de tous ces gens intéressants voire mythiques des années 60 et 70, en s'inspirant d'un magazine de pop music anglais, Modjo, qui était passionnant mais très nostalgique. On était parti sur une idée de deux numéros par an. Et pour le lancement, on a donc mis Marielle en couverture car on avait une longue interview de lui. Mais notre maquettiste, Héloïse Condroyez, s'est lâchée et nous a créé un magazine petit format très chamarré. Première surprise. Nous n'avions ensuite pas d'idée pour la couverture. Fallait-il mettre une Xe photo de Marielle? Nous avions commandé un dessin au graphiste Erwan Terrier mais pour illustrer l'article à l'intérieur. Quand on a vu ce qu'il avait fait, on a décidé que ce serait la couverture. Et par après, toutes les couvertures ont été des dessins d'Erwan.»

Le nom de la revue? C’était au départ le nom de code du projet… Et on n’a jamais trouvé mieux

Le choix du titre lui-même a sa petite histoire: « Oui, Schnock, c'était le nom de code du projet. On s'était dit «appelons-le comme ça et on trouvera mieux plus tard»! Et on n'a pas trouvé mieux! De sorte qu'avec ce titre, ce slogan «le magazine des vieux de 27 à 87 ans», cette maquette particulière, ces dessins en couverture, on a trouvé le ton du magazine, un mélange de curiosité, d'érudition et d'humour».

Jean Yanne, un des inspirateurs du magazine.
Jean Yanne, un des inspirateurs du magazine. ©

Le premier numéro, en 2011, est un succès immédiat: «De suite, on a eu des bons échos partout dans la presse et des bonnes ventes. Ce spécial Marielle, on doit en avoir vendu 15000 aujourd'hui. Et on est aussitôt passé en trimestriel.»

Les numéros s'enchaînent alors sous la houlette du tandem Ernault - Remila: Amanda Lear, Jean Yanne, Daniel Prévost, Gainsbourg, Desproges, Coluche, Jacques Dutronc … Dans chacun d'entre eux, un gros dossier sur un personnage «phare», des témoignages, des interviews, des filmographies ou discographies revisitées, où l'on remet en avant les «perles» parfois méconnues.

Pour compléter, d'autres articles et chroniques abordant la chanson, la littérature mais aussi ...l'agroalimentaire. «J'adore les sujets sur les produits industriels d'autrefois, genre les apéricubes ou les enseignes commerciales désuètes. Mais il n'est pas toujours facile de trouver des rédacteurs pour les rédiger! Si ce n'est ...dans la presse économique. Ce qu'on reçoit comme proposition, c'est souvent du cinéma, domaine qui reste, de façon étonnante, la grande passion française. Mais nous ne voulons pas être... un magazine de cinéma».

Il reste encore des icônes à aborder, nous rêvons de faire Adjani et Polfnareff

Il y a pourtant eu quelques numéros dédiés à des films plutôt qu'à des stars: exemple, la troupe du Splendid et «Le Père Noël est une ordure», ou «L'Aventure c'est l'aventure» de Lelouch, ou encore «Les Valseuses» de Bertrand Blier et le diptyque « Un éléphant, ça trompe énormément/ Nous irons tous au paradis».

Un souhait des rédacteurs en chef: pouvoir rencontrer les légendes… encore vivantes. «Pas si évident. Cela fait des années, par exemple, qu'on tente de faire Isabelle Adjani ou Michel Polnareff. Ils aiment le magazine mais on n'arrive pas à fixer un entretien. Il y en a d'autres qui prennent de l'âge, et perdent un peu la mémoire ou se mettent à fabuler. Et l'entretien est alors un peu pathétique. D'autres encore qui ne nous aiment pas. On a fait un spécial Alain Delon mais il n'a pas voulu nous parler. Parce qu'on s'appelait «Schnock»! Qu'importe! On a fait sans lui! (Rires).

Qui écrit dans «Schnock», outre son rédacteur en chef? Des journalistes ou chroniqueurs venus de divers horizons, parfois aussi des écrivains ou des gens de cinéma: « Tant que ça colle avec la ligne éditoriale».

 Le numéro 1, avec Jean-Pierre Marielle, dessiné par Erwan Terrier, qui aura fait toutes les couvertures depuis 10 ans.
Le numéro 1, avec Jean-Pierre Marielle, dessiné par Erwan Terrier, qui aura fait toutes les couvertures depuis 10 ans. ©

S'il est un domaine que le magazine évite d'aborder, c'est la politique: « C'est clair, on ne fera pas un numéro sur Charles Pasqua. Je préfère que la revue reste intemporelle. On ne doit pas trouver dans les articles de références trop flagrantes à l'actualité ou de piques ironisant sur le président du moment. On ne veut pas non plus d'articles rédigés avec des arrière-pensées militantes. À chaque fois, je dis à mes journalistes qu'on ne fait pas la revue pour ça».

Il faut aborder à présent les années 80. «Les Inconnus», par exemple, restent très populaires

«Schnock» essaie aussi d'alterner les vedettes masculines et… féminines: «Ces dernières années, nous avons fait Sylvie Vartan, Françoise Hardy ou la merveilleuse Mireille Darc. Tout comme nous avions fait jadis Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve ».

Et que contiendront les «Schnock» de demain? «Il faut songer à se renouveler. Là, après 10 ans, personnellement, j'ai fait le tour des gens que je voulais qui me passionnaient. Je dois donc admettre qu'on traite des sujets dont je ne suis pas fou. On a beaucoup traité les années 60 et 70 et à présent, on doit aller sur les années 80. On l'a déjà fait avec un numéro sur le tandem Souchon-Voulzy ou un autre qui revisitait «Nulle part ailleurs» et la période dorée de Canal+ . On pourrait le faire aussi avec «Les Inconnus» dont je constate que leurs sketches sont toujours très populaires, même pour les nouvelles générations. Et en prime, Didier Bourdon est très sympathique!».

http://boutique.la-tengo.com/9-schnock

Un spécial «L’Aventure c’est l’Aventure», avec Brel et Aldo Maccione.
Un spécial «L’Aventure c’est l’Aventure», avec Brel et Aldo Maccione. ©

- Patrick Bruel: « Euh...En couverture, non. Ou alors dans quelques années, ça dépendra de son évolution. Dans le magazine malgré tout, oui, il y a place pour une interview à condition qu'il se prête à notre démarche et à notre tournure d'esprit».

- Bernard Tapie : «C'est un personnage ambivalent. Il reste fascinant mais c'est aussi un escroc, même si sympathique et séducteur. Mon père, qui a longtemps travaillé au journal «L'Équipe» l'a pratiqué durant les grandes années de l'OM. C'est quelqu'un qui est sympa et charmeur un jour, mais qui le lendemain va vous vous engueuler copieusement si vous avez écrit quelque chose qui lui déplaît!»

- Sophie Marceau : «Pas impossible, elle est un peu schnock sur les bords! L'interview pourrait être amusante. Je suis surtout frappé, 40 ans après, par l'impact de «La Boum» sur les jeunes générations. Rien que ce phénomène mérite examen!»

- Starmania: «Oui, voilà une toute bonne idée. À voir par quel bout le prendre! Même si les numéros «choraux», consacrés à un groupe d'artistes, ne sont pas nos meilleures ventes.»

- Mylène Farmer : «Il y a certainement un numéro à faire. Il paraît qu'elle a de l'humour.! Il faudrait qu'on puisse longuement la rencontrer. Et puis c'est une légende, un personnage énigmatique avec son univers si particulier. Les jeunes chantent encore ses chansons.. Il y a aussi son compagnon Laurent Boutonnat, et tout ce qu'ils ont fait ensemble, films, clips… Vaste sujet.»

- Yannick Noah : «Pourquoi pas! Je pense plus au tennisman emblématique qu'au chanteur (rires). On m'a déjà dit qu'il était très sympathique. À «Schnock», nous n'abordons guère le sport puisqu'il existe d'autres magazines qui le font très bien. Si ce n'est des figures mythiques de sports devenus marginaux comme la boxe.»

Recueillis par X.D.

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