PHOTOS | Kamala Harris, Michelle Obama et Hillary Clinton vêtues de violet lors de l’investiture de Joe Biden: tout sauf un hasard

Violet, mauve, lavande: les trois grandes dames ont arboré dans leur tenue vestimentaire une tonalité qui fait référence dans l’histoire et la culture américaine au féminisme, mais aussi à l’unité politique du pays et de sa population. Explications.

Romain VEYS

Lorsqu’il s’agit de décorum et de symbolisme, les États-Unis ne sont jamais les derniers de la classe.

À l'occasion de la cérémonie d'investiture de Joe Biden ce mercredi, la nouvelle vice-présidente Kamala Harris, l'ex-first lady Michelle Obama et l'ancienne Secrétaire d'État, candidate à la présidence et first-lady Hillary Clinton l'ont ainsi rappelé au travers de leur tenue vestimentaire.

Car ce n'est pas un hasard si les trois grandes dames arboraient différentes nuances de violet («purple» en anglais) au sein de leurs tenues respectives.

Plus qu'un choix dicté par quelque mode que ce soit, cette coloration s'explique par la symbolique qui entoure ce champ chromatique, notamment aux États-Unis.

La couleur du féminisme

Historiquement, le violet a toujours été associé aux militantes féministes de la première heure, celles que l'on nommait les «suffragettes». Appartenant à la Women's Social and Political Union et revendiquant dès le début du XX° siècle le droit de vote pour les femmes, elles avaient pour habitude de se parer de rubans colorés.

Créé au Royaume-Uni, ce mouvement d'émancipation ne tarda pas à franchir l'Atlantique. Aux États-Unis, les tons affichés par les «suffragettes» étaient le plus souvent le blanc, la couleur or, ainsi que le violet. Ce dernier symbolisait la dignité des femmes qui le portaient et leur loyauté indéfectible envers une cause.

Une participante à la manifestation des féministes américaines à New York le 26 août 1970.
Une participante à la manifestation des féministes américaines à New York le 26 août 1970. ©Photo News

Dans les années septante, au moment où une nouvelle vague d'émancipation de la femme déferla sur les États-Unis comme ailleurs, les différentes nuances de violet telles que le mauve ou la lavande, très à la mode de l'époque, se parèrent à nouveau de cette dimension hautement symbolique. Au point que, depuis cette époque, le violet est considéré dans la culture populaire comme la couleur du féminisme, tel que l'on peut régulièrement le voir dans les diverses manifestations du genre.

L’unité politique du pays

Mais particulièrement aux États-Unis, cette couleur porte également une autre symbolique de nature politique.

Dans un État fédéral partagé entre démocrates et républicains, entre «les bleus» et «les rouges», le violet («purple» en anglais) symbolise ainsi l'unité.

Cette idée du violet symbolisant l'unité politique, ou plus exactement la mixité politique de la population des États-Unis, est apparue au lendemain de l'élection présidentielle de 2000. Remportée sur le fil et non sans une certaine polémique par George W. Bush (lequel avait remporté plus de grands électeurs mais moins de suffrage populaire que son rival démocrate Al Gore), cette élection avait laissé, déjà à cette époque, une impression de profonde division entre une «Amérique rouge» et une «Amérique bleue».

Une image forcée?

Toutefois, Robert Vanderbei, professeur à l'université de Princeton, avait alors établi une carte de la «Purple America» - l'Amérique «violette» donc - dont le but était d'illustrer l'absence d'écart important dans les scores réalisés par les deux candidats et l'impertinence de cette image de profonde division entre une «Amérique rouge» - dans le centre - et une «Amérique bleue» - sur les côtes -, telle que la suggéraient alors les médias.

Depuis, ce concept d’une «Amérique violette» est souvent utilisé pour contredire l’idée d’une Amérique profondément divisée au sein de sa population.

 Lorsque l’on considère les écarts de scores électoraux entre les deux grands partis au niveau local, l’Amérique peut apparaître davantage violette que véritablement divisée (ici carte établie en 2004).
Lorsque l’on considère les écarts de scores électoraux entre les deux grands partis au niveau local, l’Amérique peut apparaître davantage violette que véritablement divisée (ici carte établie en 2004). ©Mark Newman, Department of Physics and Center for the Study of Complex Systems, University of Michigan

Dans le contexte actuel d’une Amérique qui, cette fois encore, apparaît plus divisée que jamais, le choix du violet, incarnant donc ce désir d’unité de la population américaine, fait plus que jamais sens.

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