Pub sexiste de Bicky, une dérive de la rapidité des réseaux sociaux? «Je n’ose pas croire que c’est délibéré»
Dans l’œil du cyclone depuis mardi pour sa publicité douteuse qui met en scène un homme frappant une femme, que risque réellement la marque Bicky? On fait le point avec Sophie Pochet, professeur de publicité à l’IHECS.
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Publié le 09-10-2019 à 14h17
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Depuis la diffusion de sa publicité sexiste banalisant les violences faites aux femmes ce mardi, la marque de hamburgers Bicky est sur toutes les lèvres, mais à quel coût? «Entre ne pas être connu et être connu en mal, certains préfèrent parfois la deuxième solution. Preuve en est, tout le monde en parle depuis hier. Si l’idée était de faire du bouche-à-oreille par la provoc, c’est malheureusement réussi», constate Sophie Pochet, professeur de publicité à l’IHECS.
Ce bad buzz, qu’il soit intentionnel ou non, a scandalisé les internautes et le monde politique. Certains ont d’ailleurs saisi le jury d’éthique publicitaire, qui se retrouve submergé par une avalanche de plaintes: déjà 300 depuis mardi. «En comparaison avec d’autres campagnes, ce nombre est énorme», indique le président du JEP, Piet Moens, qui précise que la campagne publicitaire du site internet RichMeetBeautiful.be, en septembre 2017, avait généré environ 200 plaintes.
Dans ce contexte de #MeToo et de #BalanceTonPorc, c’est très malvenu.
Quelques heures après la publication de cette illustration au goût douteux, celle-ci n’est finalement plus visible sur les pages des réseaux sociaux de Bicky Burger. Toutefois, le mal est fait et l’image de la marque risque d’en prendre un coup. «Cette publicité va avoir des répercussions négatives pour la marque. Bicky est un challenger mais pas un grand nom du burger en Belgique. Et dans ce contexte de #MeToo et de #BalanceTonPorc, c’est très malvenu. Plus personne ne rigole avec ce sujet, d’autant plus que des statistiques concernant les femmes battues ont été diffusées ce mois-ci», précise Sophie Pochet.
La dérive des publicités instantanées sur les réseaux sociaux
Bicky n’en est pas à son coup d’essai. Il y a quelques mois, une publication mettait en scène une femme défigurée par de multiples opérations de chirurgie esthétique pour promouvoir son burger tandis qu’en 2016, la marque se moquait de la maladie d’Alzheimer dans une autre campagne: «Pouvoir manger toutes les demi-heures un Bicky sans culpabiliser.»
Je n‘ose pas croire que c’est délibéré de leur part mais, on ne le saura jamais. S’ils disent que c’était volontaire, cela reviendrait à se faire hara-kiri.
Malgré les antécédents de la marque, Sophie Pochet ne croît pas à un bad buzz volontaire. «Je n‘ose pas croire que c’est délibéré de leur part mais, on ne le saura jamais. S’ils disent que c’était volontaire, cela reviendrait à se faire hara-kiri.»
La professeur de publicité à l’IHECS penche plutôt pour les dérives de l’instantanéité des réseaux sociaux. «Contrairement à des pubs diffusées dans les médias traditionnels, il y a moins de vigilance sur les réseaux sociaux car c’est de l’instantané. Souvent c’est le fait d’une personne qui voit le potentiel humoristique d’une illustration et la transforme en utilisant les codes des réseaux sociaux pour toucher rapidement les abonnés de la marque.»
Pas de sanction financière mais un risque de boycott
Que risque la marque? Au niveau légal, pas grand-chose. «Le jury d’éthique publicitaire va enquêter pour connaître l’expéditeur de cette campagne de pub. S’il est à l’étranger, ce sera au jury d’éthique du pays en question de traiter les plaintes. Si la publicité vient de Belgique, le JEP rappellera à l’ordre la marque mais, à part exiger le retrait de la publicité, ce qui a été fait, il n’y aura pas de sanction financière. Et comme ce genre de publicité sur les réseaux ne coûte rien, la marque ne connaîtra pas de pertes d’un point de vue financier», regrette Sophie Pochet.
La sanction pourrait toutefois venir des consommateurs puisqu’un appel au boycott a été lancé sur les réseaux sociaux.
Sophie Pochet espère également que l’indignation de personnalités politiques comme Paul Magnette ou Bénédicte Linard ne se résumera pas à des paroles en l’air. «Peut-être que ce bad buzz va faire bouger les choses au niveau politique. Quand une femme battue est en détresse, elle n’est pas toujours prise au sérieux mais cette polémique pourrait relancer le débat.»