EN IMAGES| Où s’en vont nos doudous oubliés ? À Obscurcia que David Boriau fait visiter
Où sont passés les doudous chers à notre enfance? Le scénariste de bandes dessinées David Boriau y répond dans une trilogie brute de décoffrage au final émotionnel.
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- Publié le 16-04-2019 à 08h42
Vous souvenez-vous du jour où vous avez égaré votre ours en peluche? Quand vous avez lâché votre tutute? Vous n’y avez pas prêté d’importance? Il en va autrement de ces objets autrefois chéris et désormais remisés. Oubliés dans les confins d’Obscurcia. Là où Alex, le jeune héros de cette histoire, va s’aventurer pour retrouver sa petite sœur disparue.

Obscurcia, c'est ainsi que le Falisollois David Boriau a nommé le monde qu'il a rêvé et (un peu) cauchemardé dans une trilogie en BD fantastique et ambitieuse, peuplé de monstres mais aussi de héros et de peluches mignonnes. «Dans ma famille, nous sommes une fratrie de cinq. Je suis le grand, celui qui protège ses petits-frères. L'histoire m'est venue de cette manière: un grand-frère qui doit chasser les cauchemars, les tuer même, qui rôdent autour de ses benjamins. S'y est greffée l'idée que lorsqu'on rêve, des objets restent au pays des cauchemars. En fonction de l'attachement qu'on éprouve ou pas pour eux, les choses se passent différemment. Les objets prennent vie de différentes façons. »


Et si le dicton dit « Tel maître, tel chien », les jouets ne sont pas en reste et ressemblent beaucoup à leur propriétaire. D'un super-ours qui joue les filles de l'air à un triste et clinique pierrot. Sans parler de Bidibidou, le grand méchant des deux premiers tomes (un jouet-balancier qui se remet toujours en place) qui a fait siennes les folies les plus humaines «Touts droits réservés satisfait ou remboursé... Il a fait siennes ces expressions. Il est tellement fan qu'il est obsédé. Il a récupéré tout ce qu'il voulait voir dans les magazines: des gens très beaux, sculpturaux. Sa vie, c'est une pub. »

Puis, il y a une guerrière sexy et décharnée, loin des clichés. «Je voulais une fille redoutable, qui frappe fort! C'est une femme de décision et d'action: à aucun moment elle ne se sert de sa féminité pour gagner. »

Partant de notre culture «Kleenex», de nos habitudes de consommation et des drames intimes, Obscurcia se vit comme une fresque héroïque et fantaisiste, avec supplément d'âme, aboutie par le dessinateur flamand Steven Dhondt totalement dans son élément. Jusqu'à un final, dans le troisième chapitre, qui vient de sortir, qui terrasse et submerge le lecteur. David Boriau ne pouvait pas mieux conclure cette trilogie qui aurait pu être bien plus étendue (lire ci-dessous). « Cette fin, ce n'était pas du tout la conclusion que j'avais prévue en initiant cette aventure. Mais ce n'est pas un gadget, elle amène une vraie profondeur.»

La bande dessinée est un monde imprévisible. Il y a quelques années, Obscurcia arrivait sur tapis rouge chez Casterman (la maison d'édition de Tintin et Le Chat). Aux côtés de la tonitruante saga Lastman qui a décollé depuis et fait école, on promettait à Obscurcia une aventure cross-média: jeu vidéo, série animée et même un film faisant des allers-retours avec la BD tout en la prolongeant par de nouveaux points de vue et des histoires inédites.

La série BD devait ainsi se déployer sur trois albums au format manga, en noir et blanc et sur plus de 180 pages (soit deux albums du format final). La machine était lancée, les adaptations à d’autres médias avançaient bien, les libraires avaient pu découvrir en primeur l’album avant son impression… qui n’a jamais eu lieu. Un changement à la tête de la maison d’édition a tout fait capoter. Heureusement, Delcourt a sauvé le bébé BD avec l’eau du bain, même si la vision initiale et son amplitude ont dû être revues à la baisse.
Obscurcia Teaser from Enclume on Vimeo.

Et si le doudou des grands était leur téléphone portable? Ami et ennemi à la fois. Dans le manga Double. Me, David Boriau exacerbe un peu plus la dangerosité de cet objet addictif. Ou comment par le jeu d'une messagerie instantanée, les morts reviennent à la vie numérique et automatique. Faussée. Et si un serial killer s'en mêle, tout peut vite tourner au jeu de massacre. De quoi servir la puissance graphique du jeune dessinateur français Oto-san. «Il a envie d'aller plus loin. Il puise dans le noir et s'oriente vers un dessin plus extrême et expressif. » Le tome 3 vient de sortir avec un joli succès auprès des lecteurs. Quoi qu'il en soit, il y aura cinq tomes, pas plus. «C'est assez pour faire le tour de ce que je voulais dire du sujet. Ce n'est pas le cas d'Obscurcia. Là, il y avait assez de matos pour faire une longue série. »

Double. Me, chez Ankama

Revenu d'Obscurcia, David Boriau nourrit bien d'autres projets. Comme La fabrique des rêves qu'il signera chez Le Lombard avec son compère et dessinateur falisollois, Le Goum.

« L'histoire d'un gamin narcoleptique qui passe dans le monde des rêves, une grande fabrique gérée par Sandman, le marchand de sable. Notre héros va découvrir l'usine en tâchant de ne pas se faire repérer. Dans ce monde, chaque rêve est une bulle, avec un design différent que Le Goum (NDLR. qui, en parallèle sortira une adaptation en BD du dessin animé à succès Comme des bêtes) aura la tâche de faire virevolter. Le but? Que le spectateur devienne acteur que ce soit immersif au possible.» L'idée fera série, si le lecteur est au rendez-vous. Et, dans les cartons, il y a également une déclinaison de cet univers en série, avec des marionnettes.

Obscurcia, série en trois tomes chez Delcourt.