Sa sœur, disparue il y a 27 ans: comment l’a-t-il vécu, enfant?
Julien Andujar avait 11 ans lorsque sa sœur s’est « évaporée », comme il le dit lui-même. Vingt-sept ans après, il revient dans un livre sur ce drame qui a ébranlé son enfance.
Publié le 26-04-2022 à 07h00
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Il n’avait que 11 ans. L’âge de l’insouciance. Son enfance, Julien Andujar aurait voulu la vivre comme la plupart des gamins.Avec des éclats de rire dans la maison et dans la rue.Oui, il y en a eu, mais pas assez.La cause?Ce fait divers qui a ébranlé toute sa famille, qui l’a déchirée. Il vit dans l’inquiétude quotidienne. Avec cette colère qui l’habite depuis son enfance. Plus particulièrement depuis la disparition de sa sœur, Tatiana, une jolie brune de 17 ans qu’il n’a plus revue depuis le 24 septembre 1995. L’adolescente s’est "évaporée" , selon le propre terme de Julien, et Tatiana demeure, encore introuvable aujourd’hui.
Si 27 longues années se sont écoulées, le trentenaire revient dans un livre intitulé "Grandir après. Les enfants des faits divers" sur son vécu. Il évoque, avec ses mots, le drame qu’il a encaissé et avec lequel il doit vivre au quotidien. Car le poids des années ne change en rien la douleur.Il n’en oublie pas le visage de sa sœur, à jamais gravé dans sa mémoire.Comme figé par le temps.Il la revoit encore descendre l’escalier de leur maison de Llupia, dans les Pyrénées-Orientales, en France.C’est la dernière image qu’il a de sa sœur.
"La réalité est forcément moche, dégradante , dit-il aujourd’hui aux auteures du livre. Au fond, j’ai une trouille d’enfer du jour où on me dira, ça y est, on sait ce qui lui est arrivé. J’aime mieux ne pas savoir. La penser disparue."
«Sa disparition nous a soudés»
Julien se souvient des battues de l’époque, de ses parents accrochés à leur téléphone, en espérant la moindre (bonne) nouvelle. En vain. Julien, ses deux frères et leurs parents affrontent les rumeurs les plus folles. "Il s’est dit que mes parents l’avaient assassinée." Un nouveau coup de poignard en plein cœur.Il évoque une famille solidaire. "Mes frères et moi, la disparition de notre grande sœur nous a soudés." Ses parents ont toujours été présents. En expliquant aux enfants, en leur donnant de l’amour. Suivront des consultations chez des psys. "Une kinésiologue m’a expliqué que j’avais dû me battre juste pour exister, pour être moi-même."
De la souffrance, Julien et sa famille en ont encore.
À l’époque, il ne se passait pas une heure sans que quelqu’un n’évoque le sujet.Une chape de plomb sur les épaules de Julien.Avec un lot de questionssans cesse en tête: Tatiana est-elle encore vivante?Et si oui, dans quelles conditions vit-elle?Julien évoque la dégringolade sociale de ses parents. Leur séparation, aussi.Il se demande à quoi ressemblerait sa sœur aujourd’hui.
Un spectacle sur sa sœur
À l’époque déjà, il voue une passion pour la danse qu’il partage avec sa sœur. Le voilà aujourd’hui danseur, chorégraphe, comédien et réalisateur de courts-métrages. "Ma vie s’est construite autour de sa disparition, de cette faille que je porterai toujours en moi." Sa sœur lui a inspiré un court-métrage sur la mémoire et l’oubli. Il a écrit un spectacle, Tatiana , dont son frère a composé le son. Pour rendre "un bel hommage à ma sœur et aux miens" . Un spectacle qu’il joue actuellement à travers la France.
Tatiana reste la seule disparue, sans corps, sans trace, sans coupable. Tatiana est une énigme.
"Tatiana est devenue un fait divers en quelques jours, puis en quelques années le symbole des disparues de la gare de Perpignan, thriller macabre mêlant plusieurs faits qui, pour la quasi-totalité, ont été portés en justice et les enquêtes résolues , écrit Julien, dans le cadre de la promotion de son spectacle. Tatiana reste pourtant la seule disparue, sans corps, sans trace, sans coupable. Tatiana est une énigme."
Jacqueline Rémy et Anne Vidalie, «Grandir après - Les enfants des faits divers», Michel Lafon, 207 p.