Un employeur belge peut-il revenir sur les jours de télétravail autorisés?
Google, Amazon, Apple et d'autres grosses entreprises américaines imposent à leurs employés de revenir au bureau. Les employeurs belges pourraient-ils suivre la tendance?
- Publié le 17-08-2023 à 16h40
- Mis à jour le 17-08-2023 à 18h26
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Dans les grandes entreprises américaines, le télétravail ne semble plus aussi bien vu qu’à l’issue de la pandémie de Covid-19. Amazon, Google, Apple, Uber, Snap et même… Zoom (spécialisé dans les réunions à distance) ont récemment informé leurs employés qu’ils désiraient les voir plus souvent au bureau. En novembre 2022, Elon Musk, le patron de X (ex-Twitter) a poussé encore plus loin en demandant à ses employés d’arrêter le télétravail, sauf exception. Quant à l’agence publicitaire Publicis, elle a prévenu ses employés qu’ils risquaient des pénalités dans leur salaire ou grillaient leurs chances de promotion s’ils ne prestaient pas au moins trois jours par semaine au bureau.
Ces revirements sont toutefois à nuancer. Les Américains ont massivement adopté le télétravail. Certains ne retournent pratiquement plus dans les bureaux qui sont en moyenne à moitié vides par rapport à février 2020. Des employés Amazon ont d’ailleurs manifesté pour protester contre l’obligation de revenir 3 jours par semaine au bureau. Les entreprises craignent une baisse de productivité et se justifient en invoquant l’importance des contacts dans le milieu professionnel pour motiver les troupes.
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Chez nous, la situation est légèrement différente. Selon une enquête du SPF mobilité sur la pratique du télétravail en 2022, 32% des Belges déclaraient prester au moins un jour par semaine de télétravail. 11% seulement des employeurs wallons et 12% de leurs homologues bruxellois autorisent 5 jours et plus de télétravail par semaine.
Les Belges semblent plébisciter une répartition équilibrée des jours de télétravail: 3 jours de présentiel et 2 jours à la maison pour 16% des répondants ou 2 jours de présentiel et 3 jours de télétravail pour 15%. Ils sont même 34% à préférer 5 jours de bureau. "Il n’y a pas tellement de mouvement des employeurs en faveur d’un retour au bureau", avance Amandine Boseret, experte juridique chez Acerta Consult. Au contraire, "les entreprises en profitent pour louer moins d’espace ou pour aménager des espaces de co-working et en matière d’énergie ils s’y retrouvent également." On constate, enfin, que la réticence à l’égard du télétravail et de ses prétendues déviances de flemmardise s’estompe et que la confiance s’est installée entre employeurs et employés.
Les premiers chiffres pour 2023 semblent confirmer cette tendance puisqu’ils tournent autour de 36% (en juin, par exemple, 36,8% de la population occupée a travaillé parfois ou régulièrement à domicile).
Un accord des deux parties
Cela dit, si les patrons belges voulaient s’aligner sur les pratiques des Américains qui reviennent sur leurs décisions, ils ne pourraient pas le faire d’un claquement de doigt. "Les modalités du télétravail structurel, d’un ou plusieurs jours par semaine, doivent légalement être fixées dans le contrat du travailleur ou dans une annexe. Toute modification doit être approuvée par les deux parties." Certains aménagements, des policy, peuvent être envisagés mais une fois encore il faut un accord entre les employés et l’employeur. "En période estivale, par exemple, quand il y a moins de monde au bureau on peut décider conjointement de réduire les jours de présence sans modifier le contrat."
C’est également ce mécanisme de policy qui permet d’assouplir le cadre en laissant à l’employé le loisir de choisir quels jours il vient au bureau. "Certaines entreprises préfèrent des jours fixes, d’autres laissent le choix mais là encore, tout doit être discuté et inscrit dans le contrat ou une annexe." Idem pour le télétravail à l’étranger, tout dépend des entreprises mais les deux parties doivent s’être mises d’accord en amont.
Des badges pour contrôler le présentiel
Pour s’assurer que ses employés prestent bien leurs heures, Amazon les suit carrément grâce à leurs badges d’accès. Ils peuvent ainsi voir si untel est effectivement venu travailler au bureau comme convenu. Cette pratique est légale en Belgique, dans une certaine mesure. «On peut utiliser un tel contrôle à l’aide des badges mais jamais dans le dos du travailleur», explique Amandine Boseret. L’employeur qui veut procéder à ce genre de vérification doit en informer ses employés par mail, sur l’intranet ou un panneau d’affichage. «Il y a une demande de transparence. Si le badge est utilisé pour recueillir des données personnelles, le règlement RGPD s’applique. Il peut alors être bon de le prévoir dans une policy.» Dans le cas d’une surveillance inappropriée, l’entreprise ne pourra pas utiliser ces données contre son employé. Quant au contrôle des mails ou des sites visités, il s’agit d’une procédure complexe. Là encore, rien ne peut être fait sans en informer les salariés.