Fin du contrat de travail : et mon numéro de GSM alors ?
Mon employeur prend en charge mon abonnement de GSM. Vais-je récupérer mon numéro si le contrat de travail cesse ? Pas sûr. Une proposition de loi veut changer cela.
Publié le 18-01-2023 à 21h00
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Qu’advient-il de votre numéro de téléphone si vous quittez un employeur ?
Aujourd’hui, quand vous êtes engagé dans une entreprise, il y a généralement deux options. Soit, l’employeur souscrit des abonnements pour plusieurs numéros mobiles et met ces numéros à disposition de ses travailleurs. En cas de rupture du contrat de travail, le travailleur doit alors lui restituer le droit d’utilisation du numéro, considéré comme un outil de travail.
Soit , comme "dans beaucoup de cas", le numéro de téléphone du travailleur qui arrive est utilisé. L’employeur propose alors d’assumer le coût (l’abonnement), avec généralement une contribution du travailleur pour l’usage privé du numéro.
Oui mais voilà: en étant titulaire de l’abonnement, l’employeur obtient également le droit d’utilisation du numéro. "L’employeur peut dès lors refuser, en cas de rupture de contrat, de restituer le numéro de téléphone au travailleur alors que ce dernier l’a parfois utilisé pendant 15 ans, y compris dans sa sphère privée", note Cécile Cornet, députée fédérale Écolo et cosignataire d’une proposition de loi qui veut apporter des modifications à cette situation.
Secteurs concurrentiels
Une situation qui arrive dans des secteurs très concurrentiels, dit la députée, "comme les secteurs commerciaux par exemple. C’est un problème réel. Ces entreprises, qui craignent que des clients continuent d’appeler l’employé sortant alors qu’il travaille désormais pour la concurrence, préfèrent conserver le numéro." Un raisonnement qui, pour Cécile Cornet, et Stefaan Van Hecke (Groen) à l’initiative de la proposition, tient de moins en moins la route, "car ces clients peuvent maintenir très aisément le contact avec le travailleur sortant via Linkedin et d’autres réseaux professionnels".
Toutefois, les employeurs sont nombreux à inscrire aujourd’hui dans le contrat de travail une clause qui règle la reprise de l’abonnement téléphonique par le travailleur s’il quitte l’entreprise. "Et c’est ce dispositif que l’on voudrait généraliser", ajoute Cécile Cornet, en modifiant la loi sur les contrats de travail du 3 juillet 1978.
Le travailleur aurait désormais le droit de récupérer son numéro – si toutefois il le détenait avant son entrée en fonction – et l’employeur ne pourrait pas le refuser.
D’autant que "ce n’est pas comme il y a 15-20 ans où, lorsqu’on changeait d’opérateur, on changeait de numéro, poursuit la députée. Le lien entre une personne et son numéro de téléphone est de plus en plus étroit. Le numéro sert non seulement pour des appels privés mais aussi d’outil d’identification personnelle à des applications bancaires ou Itsme…"
Une obligation de restitution qui pousserait l’employeur à ne plus proposer la reprise de l’abonnement mobile des futurs travailleurs ? Dans ce cas, l’employeur sera tenu, conformément à la loi, de prévoir le matériel de travail nécessaire (numéro de téléphone, abonnement, etc.) pour le travailleur, répond Cécile Cornet qui plaide pour une entrée en vigueur de la proposition en 2024.
9 cas sur 10
Selon Amélie De Bonhome, avocate spécialisée en droit du travail: "Quand je traite de la fin des contrats avec des employeurs, la question du numéro de téléphone est posée dans 9 cas sur 10. "
De manière globale, Amélie De Bonhome conseille de ne pas demander qu’un numéro existant devienne un numéro professionnel, "car cela peut créer des problèmes par après. On vit dans un monde où son numéro de GSM, on le garde plus qu’un emploi !".
Cela impose par contre au travailleur d’avoir deux GSM ou deux cartes SIM (privé et pro) dans un même téléphone, ce qui n’est pas toujours pratique, concède l’avocate. "Et quand il signe son contrat, le travailleur est généralement content qu’on lui propose de lui payer son abonnement téléphonique."
Amélie De Bonhome rappelle: "Si le numéro est mis à disposition du travailleur par l’employeur, il appartient à ce dernier, point barre." Peut-on néanmoins l’utiliser à des fins privées ? "Normalement non mais ce n’est pas réglé légalement. Je conseille de le fixer dans le règlement de travail."
En revanche, si le numéro privé du travailleur est lié à un abonnement professionnel, "soit l’employeur s’en fout, un document est signé et le travailleur qui quitte l’entreprise peut réutiliser son numéro. Soit l’important pour l’employeur est d’assurer la continuité de ses clients ; un fournisseur a très vite encodé un numéro ! Il peut alors décider de conserver le numéro et de le donner à un nouveau travailleur."
Et le passage ne se fait pas toujours sans accroche: "On est déjà revenu vers moi car un employé avait trouvé sur son GSM des échanges privés d’un ex-travailleur dont il avait récupéré le numéro et qui parlaient de deal de drogue !"
Pour l’avocate, la démarche des deux députés "n’est pas dénuée de sens". Mais de poser aussi la question de l’adéquation avec la politique menée en parallèle sur la vie privée-professionnelle (droit à la déconnexion, etc.).