En Wallonie, une autoroute de l’eau pour s’adapter au climat (vidéo + carte interactive)
Face aux sécheresses qui se répètent, la Wallonie revoit la manière dont elle va approvisionner les différentes régions en eau potable. Nouveau maillon essentiel, l’"autoroute de l’eau", entre les barrages de l’Est et la province de Luxembourg, se construit. Reportage.
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- Publié le 30-05-2023 à 07h00
- Mis à jour le 01-06-2023 à 10h44
Cette “autoroute de l’eau”, une adduction de 100 kilomètres de long qui va permettre d’apporter de l’eau potable depuis les barrages de l’Est du pays (La Gileppe et Eupen) jusqu’à Wellin, en province de Luxembourg, c’est un peu le chantier du siècle pour la Société wallonne des Eaux (SWDE). C’est aussi la pierre angulaire du schéma régional d’exploitation des ressources en eau (SRRE) validé en 2015 par le gouvernement wallon (voir ci-contre).
"L’eau des barrages ainsi que celle du gros captage de la Compagnie Intercommunale Liégeoise des Eaux (CILE) des galeries de Hesbaye convergent vers une chambre de mélange à Grâce-Hollogne et partent ensuite en direction de la province de Luxembourg", explique Benoît Moulin, le porte-parole de la SWDE. Actuellement, le chantier se focalise sur le premier point sensible après cette chambre de mélange: le franchissement de l’aéroport de Bierset et de l’autoroute E42. Cette nouvelle adduction d’eau constituée de trois canalisations (deux de 800 mm de diamètre pour la SWDE et une de 300 mm pour la CILE) a d’abord dû contourner l’aéroport. Pas question de creuser des tranchées dans les pistes pour y placer les tuyaux évidemment.
Ce contournement effectué, la pose des tuyaux se poursuit en parallèle de l’infrastructure aéroportuaire, le long de l’autoroute E42. Une autoroute sous laquelle il va falloir passer…

Contourner l’aéroport et passer sous la E42
"On va procéder par fonçage, explique Alain Hendriks, contrôleur en chef à la SWDE et chargé, notamment, de ce tronçon. C’est une gaine en béton de 3 mètres de diamètre qui va être poussée sous l’autoroute et prolongée sur 5 mètres de part et d’autre." Cette technique de fonçage est utilisée pour tous les "passages spéciaux": autoroute, route nationale et chemin de fer. À ces endroits, il faut également placer des chambres de visite avec des vannes motorisées qui peuvent être actionnées à distance. "En cas de fuite sous ces passages, nous devons être capables de stopper la circulation de l’eau au plus vite", dit Benoît Moulin.
30 communes sécurisées en eau
C’est dans cette gaine de béton que passeront alors les canalisations constituées de tuyaux en fonte ductile (matière plus "élastique" et résistante) et longs de 13 à 18 mètres. "Ils sont emboîtés et soudés sur place", précise Alain Hendriks. Un câble d’alimentation électrique et un autre pour la fibre optique filent aussi le long de ces canalisations qui sont équipées de capteurs. "Il s’agit d’équipements de télégestion qui nous permettent de contrôler le débit d’eau, la pression, etc. et de gérer l’ensemble depuis notre centre à Verviers", explique Benoît Moulin,
Une fois la zone de l’aéroport liégeois franchie, l’autoroute de l’eau poursuit alors son tracé vers le lieu-dit Arbre à la Croix, à Horion-Hozémont. C’est là que s’achève le premier tronçon de l’autoroute de l’eau et que débute le deuxième qui file à travers les campagnes de Verlaine et Villers-le-Bouillet, où le chantier bat son plein également (voir vidéo), pour rejoindre Ohey.
C’est là, depuis un réservoir de 6 000 m3 et une station de pompage qui sont à construire, que le troisième et dernier tronçon filera jusqu’à Wellin en transitant par Mesnil-Saint-Blaise.
"Là, nous devons construire un château d’eau de 2000 m3 et 80 mètres de haut qui sera capable de refouler l’eau jusqu’à Hastière, dit Benoît Moulin. C’est une sécurisation en plus." Une sécurisation qui concerne 30 communes, aujourd’hui alimentées par des captages locaux mais qui, à cause du changement climatique, auront bien besoin à l’avenir de cette eau venue de l’autre côté de la Wallonie.
Multiplier l’offre en eau et mieux gérer la demande
C’est en 2015 que le gouvernement wallon a approuvé douze travaux prioritaires afin de sécuriser l’approvisionnement en eau de la Wallonie. La Région finance ces travaux à hauteur d’une quarantaine de millions d’euros. Mais c’est la SWDE, maître d’œuvre des chantiers, qui déboursera l’essentiel. En 2016, elle a obtenu un financement de 200 millions de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Et l’an dernier, un autre financement de 250 millions a été conclu avec la BEI.
Il faut dire que depuis la validation du schéma régional d’exploitation des ressources en eau (SRRE), quelques sécheresses sont passées par là. En particulier celle de 2020 avec un important stress hydrique dans la province du Luxembourg. On se souvient notamment de la noria de camions-citernes qui, pendant plusieurs semaines, ont dû alimenter le château d’eau de Beauraing.
De quoi inciter la Wallonie à élargir le périmètre de la zone "Sud Wallonie" à sécuriser. Celle-ci concerne aujourd’hui 58 communes: 44 luxembourgeoises, 4 namuroises et 10 liégeoises.
Si à l’origine le SRRE consistait notamment en la réalisation d’interconnexions entre les réseaux de distribution d’eau afin de permettre la jonction entre les zones disposant d’importantes ressources et celles aux ressources plus limitées en termes de qualité et de quantité, un SRRE 2.0 établi en 2020 va plus loin. Il s’agit notamment d’être plus proactif par rapport aux évolutions du climat, sur l’analyse des ressources en eau disponibles et sur l’évolution de la demande. En collaboration avec les Universités de Mons et de Liège, la SWDE développe ainsi un projet de modélisation des 14 masses d’eau souterraines les plus importantes stratégiquement pour la fourniture d’eau potable et y intègre les données liées aux sécheresses. Car multiplier les sources d’approvisionnement ne sera peut-être pas toujours suffisant. Il faudra aussi, en cas de crise, prioriser les usages et limiter certaines prises d’eau.
