N-VA et Vlaams Belang : un cordon sanitaire de plus en plus flou
En entrouvrant une nouvelle fois la porte à une future coalition avec l’extrême droite, Bart De Wever et la N-VA entretiennent un flou qui menace le cordon sanitaire politique en Flandre.
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Publié le 22-05-2023 à 17h46 - Mis à jour le 22-05-2023 à 18h54
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Bart De Wever est-il prêt à rompre le cordon sanitaire en place au Nord du pays, en engageant la N-VA dans une future coalition avec le Vlaams Belang (VB) ?
Les propos tenus dimanche par le président des nationalistes flamands dans De Zondag ont, a minima, ranimé le flou entourant la question : "Als Vlaams Belang zijn shit opkuist, waarom niet ? ". Littéralement : " Si le Vlaams Belang nettoie sa merde, pourquoi pas ?".
Antécédents
Cela dit, comme le rappelle Benjamin Biard, politologue au CRISP, ce n’est pas la première fois que la N-VA – et Bart De Wever en particulier – tend de la sorte une perche à ceux se trouvant à sa droite sur l’échiquier politique.
En juillet dernier, déjà, le président flamingant avait entrouvert la porte, estimant qu’une coalition entre la N-VA et le VB "était une situation de départ intéressante pour aller vers le confédéralisme".
On se rappelle par ailleurs que le même Bart De Wever, dans son rôle d’informateur au lendemain du scrutin législatif de 2019, avait convié, à plusieurs reprises, son homologue du VB, Tom Van Grieken, dans le cadre des consultations d’usage.
En outre, ces dernières années, plusieurs personnalités du parti nationaliste, dont les poids lourds Théo Francken et Jan Jambon, ont également pris le soin d’entrouvrir certaines portes et entretenir ainsi le flou.
Au niveau local, là aussi, la N-VA s’est déjà aventurée à flirter avec l’extrême droite, comme à Ninove (Flandre orientale), après les élections de 2018 et la percée retentissante de la liste Forza Ninove, apparentée VB, créditée de 40% des suffrages et emmenée par le sulfureux Guy D’Haeseleer : les nationalistes avaient dans un premier temps " laissé entendre qu’une coalition entre les deux partis était une éventualité", rappelle Benjamin Biard. Avant que Bart De Wever, à la suite de la publication par Guy D’Haeseleer d’une photo à commentaire raciste, ne mette en terme à tout cela.
Flou
Cependant, au sein de nombreuses sections locales de la N-VA, ils sont de plus en plus nombreux à lorgner en direction du VB.
"Il est vrai que si Bart De Wever discute ouvertement avec Tom Van Grieken, les instances locales de ces deux partis risquent de nouer davantage de liens, concède Benjamin Biard. On peut d’ailleurs imaginer que cette façon d’entretenir le flou de Bart De Wever est une stratégie visant à répondre aux transferts de voix entre les deux partis."
Et de fait : si le président des nationalistes ne ferme pas la porte au VB, il ne l’ouvre pas franchement pour autant : "Tant que ce parti tolère les extrémistes qui insultent constamment les autres et attaquent en dessous de la ceinture, il se met à l’écart", estime-t-il encore dimanche dans De Zondag. Avant de nuancer : "Le jour où ils mettront en place une trajectoire crédible pour arrêter de faire ça, ils pourront prendre le contrôle en ce qui me concerne".
Ce message apparaît en effet nettement moins tranchant que celui tenu dans Humo en décembre 2020, et dans lequel De Wever assurait à l’époque : "Je vais être clair. Si je dois choisir entre cesser la politique et [travailler avec le VB] , j’arrête immédiatement". Moins tranchant, donc, et de plus en plus flou.
Pourquoi l’extrême gauche échappe-t-elle au cordon sanitaire ?
Lorsque De Zondag lui demande si la démocratie n’est pas aujourd’hui "sous pression" en raison "des extrêmes", Bart De Wever répond avoir "surtout peur du communisme. C’est l’idéologie la plus pernicieuse qui soit. Partout où les communistes sont au pouvoir, vous voyez la dictature, la pauvreté et le chaos".
Quelques jours plus tôt, Georges-Louis Bouchez y allait d’une saillie similaire dans une interview accordée à Trends-Tendances, se demandant par ailleurs "pourquoi considérerait-on que les régimes communistes seraient plus acceptables [que ceux dont se revendique le VB]", avant de plaider une nouvelle fois pour "qu’un cordon sanitaire et médiatique [soit] imposé contre le PTB".
Or, si "les références historiques populistes et l’aspect radical de sa politique" ont appelé certains à étendre le cordon sanitaire à ce parti, "il n’existe pas d’unanimité en ce sens, que ce soit dans la sphère politique ou dans la société en général", observe Benjamin Biard (CRISP). Parce que le cordon sanitaire enserre en réalité "des partis qui mettent en danger les principes fondamentaux de la démocratie" et que "l’engagement historique " du PTB le présente comme parti "antifasciste et contre l’extrême droite".