Fini l’anonymat des donneurs de sperme ? "Il y a une tendance mondiale"
Des auditions auront lieu ce mardi 16 mai 2023 à la Chambre concernant l’éventuelle levée de l’anonymat des donneurs de sperme en Belgique. Un sujet sensible.
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Publié le 16-05-2023 à 06h00 - Mis à jour le 17-05-2023 à 10h39
Doit-on lever l’anonymat des donneurs de sperme ? Il en sera question ce mardi en Commission Santé de la Chambre. Des auditions sont prévues à propos d’une proposition de loi de la députée Valérie Van Peel (N-VA) qui vise à créer un Institut pour la conservation et la gestion des données relatives aux donneurs de sperme.
Le but de cet Institut ? Conserver les données des donneurs fournies par les centres de fertilité, communiquer certaines de ces données à l’enfant issu d’un don et accompagner les différents intéressés.
Pour la députée, "le principe de l’anonymat du don est dépassé […] En garantissant l’anonymat du donneur […] , on pensait réduire les éventuelles conséquences négatives (juridique, sociale, psychologique) pour les intéressés. Mais il ressort clairement des témoignages des enfants issus d’un don qu’ils en subissent des désagréments. Que doivent-ils répondre lorsqu’on les interroge sur les antécédents médicaux ? Pourquoi la transparence est-elle plus grande en ce qui concerne l’identité des parents biologiques d’enfants adoptés ?"
À 12 ans ou à 16 ans
Ainsi, le texte prévoit qu’il ne soit plus possible, à l’avenir, de faire des dons anonymes. Le donneur de sperme devra transmettre certaines données: données médicales, caractéristiques physiques, profession,… mais aussi des données identifiantes, comme le nom, le prénom, la date de naissance, la nationalité ou le numéro de registre national.
C’est à 12 ans que l’enfant né d’un don de sperme pourra alors se tourner vers cet Institut afin d’obtenir les données médicales ou non identifiantes (profession, etc.). Et à 16 ans qu’il pourra recevoir l’identité du donneur. Le donneur sera alors informé et aura 30 jours pour s’y opposer. Mais l’Institut ne pourra décider qu’exceptionnellement de ne pas communiquer ces données, prévient le texte.
Et pour les dons réalisés avant toute entrée en vigueur de la loi ? Selon le texte, les données non identifiantes pourront être communiquées. Les données identifiantes, elles, ne seront obtenues qu’avec l’autorisation du donneur.
Un avis du Comité de bioéthique sur le texte, publié la semaine dernière, estime que la base de données ne devrait fournir que des informations ne permettant pas d’identifier le donneur. Pour toute autre donnée, il faudrait s’adresser aux centres de fertilité. Dans un premier avis fin 2022, le Comité suggérait de laisser le choix au donneur d’être identifié.
Droit à l’identité
Mia Dambach est directrice de l’association "Child Identity Protection", basée à Genève. Cette association, née en 2020, vise à assurer que l’identité de chaque enfant soit "intègre, transparente et accessible".
Un droit à l’identité consacré dans la Convention relative aux droits de l’enfant, mais qui n’est pas "mis en valeur", selon Mia Dambach, auditionnée ce mardi à la Chambre, tout comme, par exemple, le centre néerlandais de données des donateurs. "On n’a jamais pensé aux conséquences pour les enfants. Les premiers nés par procréation médicalement assistée ont grandi et expliquent désormais qu’on a négligé leur droit à l’identité."
Selon la directrice, la Belgique n’est pas le seul pays où les dons sont anonymes. "Mais il y a une tendance mondiale. Les Pays-Bas, la Suisse, l’Angleterre, ont abandonné l’anonymat depuis longtemps. L’Islande, l’Espagne, le Luxembourg, se sont vus recommander en 2022 par le Comité des droits de l’enfant, la suppression de cet anonymat. Et ça va arriver en Belgique. La France a introduit l’an dernier une loi bioéthique et va elle aussi annuler l’anonymat…"
8 millions d’enfants
8 millions d’enfants en Europe sont nés via des dons anonymes de sperme et ovocytes (2019). L’association, contre l’anonymat des donneurs (et la commercialisation des dons de sperme et ovocytes), assure que " des études montrent que les enfants qui ont grandi avec la vérité l’acceptent plus facilement. C’est une partie d’eux-mêmes. Chaque enfant n’a pas forcément ce besoin de savoir mais il est important que cette information soit accessible au cas où elle est désirée".
Pour Mia Dambach, la proposition sur la table de la Chambre "va dans le bon sens". Elle salue notamment l’assistance psychologique prévue. Mais le texte pourrait aller plus loin, dit-elle, en pointant la nécessité d’informer dès le début parents et donneurs de l’importance du droit à l’identité. "Peut-être les adultes devraient-ils renoncer à leur projet s’ils ne sont pas encore prêts à défendre le droit de l’enfant à connaître ses origines ?"
Quant à la possibilité d’une rencontre physique entre le donneur et l’enfant issu du don: "En Suisse, le donneur peut la refuser et c’est respecté."
Pour Mia Dambach, le sujet est sensible. "La question de la fertilité reste taboue. C’est une partie intime de l’histoire d’une famille. Et la PMA n’a pas encore été intégrée dans le domaine public."