Guerre en Ukraine: “Je voulais détruire la propagande de Poutine”, la journaliste Marina Ovsiannikova raconte son histoire dans un livre (vidéo)

Au micro de France Inter, la journaliste russe Marina Ovsiannikova présente son livre, “NO WAR. L’incroyable histoire de la femme qui a osé s’opposer à Poutine” (L’Archipel), un peu plus d’un an après son intervention en plein direct d’une chaîne pro-poutine. Elle relate son opposition à la guerre en Ukraine et l’exil qu’elle subit.

La Rédaction de L'Avenir
Sandra Farrands

En mars 2022, Marina Ovsiannikova devient une figure mondiale de l’opposition à la Guerre en Ukraine en intervenant en plein direct de la chaîne de télévision Pervy Kanal. “NO WAR”, deux mots-clés sur une pancarte qui la font condamner par son pays.

C’était une protestation suicidaire, parce que c’était le prime time des journaux du soir : j’ai écrit “No War” pour le public occidental, et pour les Russes, j’ai écrit “C’est de la propagande, ici on vous ment””, raconte l’ancienne productrice de la chaîne d’État russe.

Au micro de France Inter, elle présente son autobiographie, “NO WAR. L’incroyable histoire de la femme qui a osé s’opposer à Poutine”, éditée par les éditions L’Archipel, dans lequel elle consigne son histoire et cette année d’engagement contre la guerre en Ukraine.

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Vous ne vous rendez pas compte que Poutine a détruit tous les médias indépendants. Toutes les chaînes de télé sont sous contrôle de l’État, et du matin au soir, on n’a qu’un flux incessant de propagande, sur le modèle de celle de Goebbels”, affirme-t-elle. Une réalité qu’elle observe depuis 2008, elle-même partie prenante d’un appareil de propagande, même pendant l’invasion de la Crimée. Sauf qu’en 2022, elle ne peut plus continuer : “Je ne pouvais plus me taire, il y avait du sang, des larmes partout, des réfugiés ukrainiens. Je savais ce qu’allaient vivre ces réfugiés, parce que moi-même, ma maison a été détruite pendant la première guerre de Tchétchénie”.

La mise à mort du journalisme d’intérêt public en Russie

Nous avons fini par ne plus travailler que pour choisir des actualités contre l’Ukraine, contre l’Occident, on ne diffusait que cela. Depuis dix ans, je ne regardais plus la télé russe, je regardais CNN, Sky News, ou d’autres chaînes”, évoque-t-elle, au sujet de l’ouverture informationnelle qu’elle avait en tant que journaliste internationale.

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Grâce à cela, la propagande lui sautait aux yeux, et de surcroît l’endoctrinement de la population qui n’avait pas accès à l’information d’autres pays occidentaux. “On voyait très bien comment les images que nous diffusions étaient biaisées. Mais ils jouaient ce jeu du Kremlin : si vous disiez quelque chose contre Poutine, vous saviez que c’était votre dernière journée de travail”, explique Marina Ovsiannikova.

Un narratif victimaire autour de la Russie

Quand la guerre a commencé, nous avons eu un ordre du Kremlin affirmant qu’on ne devait pas parler de guerre mais d’opération militaire pour libérer les populations pacifiques du Donbass”, se remémore Marina Ovsiannikova. “Nous étions en train de construire une réalité parallèle, nous ne parlions pas des réfugiés, des Russes qui bombardaient l’Ukraine, nous ne devions montrer que des vidéos du ministère de la Défense russe ou du FSB, dans lesquelles l’armée russe était présentée comme libératrice. Nous avons déshumanisé les Ukrainiens, nous ne parlions pas d’eux comme des personnes mais comme des nazis”, poursuit-elle.

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Un accès cadenassé à l’info

Ce traitement de l’information n’est pas compris par toute la population, selon la journaliste dissidente : “Nous, nous sommes des journalistes, nous avons l’habitude de chercher des informations. Mais la plupart des Russes n’ont pas cette habitude : ils appuient sur le bouton de la première chaîne et consomment ce que le média de l’État leur propose”, précise-t-elle, en pointant le fait que “La Russie est une forteresse assiégée”. France Inter évoque notamment le fait que l’accès aux informations alternatives est rendu ardue par le blocage des réseaux sociaux et des médias indépendants. Pour contourner cela, il faut installer un VPN, ce qui n’est pas intelligible aux populations plus âgées, confrontées à la fracture numérique.

”Il n’y aura pas assez de novitchok pour tous les dissidents qui parlent aujourd’hui contre Poutine”

Nombre de journalistes ont subi les foudres de l’Etat russe, mais face au risque pour sa propre vie, Marina Ovsiannikova ironise : “Mes amis, quand ils m’appellent depuis la Russie, blaguent en me demandant si je préfère le polonium ou le novitchok. On ne peut pas vivre dans cette tension constante depuis un an. Alors je blague en leur répondant qu’il n’y aura pas assez de novitchok pour tous les dissidents qui parlent aujourd’hui contre Poutine”.

Depuis, la journaliste russe de ce même média a été exfiltrée vers Paris en octobre 2022, aidée par Reporter Sans Frontières. Elle avait été assignée à résidence par l’État russe dans l’attente de son procès. Elle est réapparue lors d’une conférence de presse dans les locaux de RSF en février 2023.

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