Le projet de réforme de la taxe sur le patrimoine des ASBL "est révoltant"
Le projet de nouvelle taxe fédérale sur le patrimoine des ASBL dévoilé par Vincent Van Peteghem suscite les plus vives inquiétudes dans les rangs des Engagés.
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Publié le 28-04-2023 à 04h00
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Inscrite dans la loi depuis 1921, la taxe fédérale sur les associations sans but lucratif (ASBL), également appelée taxe patrimoniale, "est une taxe de compensation des droits de succession qui, dans le cas d’une personne morale, ne peuvent pas être réclamés", détaille le SPF Finances sur site Internet, lequel précise que, "outre les ASBL, la taxe s’applique également aux fondations privées et ASBL internationales".
Cette taxe trouve son origine historique dans la volonté de l’État de capter une partie des legs reçus par les congrégations religieuses lors d’un héritage, lesquelles, une fois constituées en ASBL, c’est-à-dire en une personne morale, échappaient aux droits de succession.
À l’heure actuelle, cette taxe fédérale s’élève, annuellement, à 0,17% du patrimoine de ces associations.
"La base pour cet impôt est l’ensemble des biens dont une ASBL est propriétaire. Sont pris en considération aussi bien les biens matériels (par exemple : bâtiments) que les biens immatériels (par exemple : droits d’auteur)", précise-t-on encore au SPF Finances.
Certains biens échappent toutefois à cette taxe. On pense notamment aux liquidités et au fonds de roulement nécessaires à l’activité de l’association. Et une association dont la valeur en patrimoine n’atteint pas 25 000 € en est exemptée.
Vers une taxation progressive
Or, dans la foulée du dernier ajustement budgétaire au niveau fédéral, le ministre en charge des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) a annoncé l’intention du gouvernement de remplacer cette taxe séculaire par l’instauration d’un système de prélèvement progressif : après une exemption sur la première tranche de 50 000 € (et non plus 25 000 € comme actuellement), une taxation de 0,15% sera prélevée sur la deuxième tranche (de 50 000 à 250 000 €), une autre de 0,30% sur la troisième tranche (jusqu’à 500 000 €), puis enfin une dernière de 0,45% au-delà.
Avec cette refonte de la taxe patrimoniale, le gouvernement espère ainsi récupérer 82 millions€. À titre de comparaison, la taxe dans son actuelle mouture a rapporté, en 2022, 38 millions€ à l’État fédéral.
Si la mesure profitera aux ASBL de petite envergure, elle risque, en revanche, de peser lourdement sur les finances des plus imposantes, le point de bascule se situant autour de 315 000 €.
Parmi ces dernières, les hôpitaux ainsi que les établissements scolaires constitués en ASBL se verront attribuer un régime spécial, de faveur, a d’ores et déjà annoncé la Vivaldi.
Pour d’autres, en revanche, la mesure entraînera une hausse conséquente du montant annuellement dû.
MSF Belgique a par exemple estimé à 190 451 € celui de cette nouvelle taxe à payer, ce qui équivaut à 2,5 fois le montant actuellement versé. De quoi faire dire à Maya Yamaguchi, directrice des finances chez MSF Belgique, qu’avec cette réforme "le gouvernent s’acharne un peu sur les ASBL. Ils ont déjà supprimé le legs en duo en Flandre qui nous était très favorable ".
Aujourd’hui, nombreuses sont cependant ces associations qui ignorent tout de ce projet. Et qui ne mesurent donc pas (encore) l’impact que celui-ci produira sur leurs finances et leurs activités.
"Atteinte à la liberté d’association"
"Il s’agit d’une attaque frontale à l’égard du secteur associatif", fustige, depuis cette annonce, André Antoine (Les Engagés).
Le député d’opposition – et par ailleurs président du conseil d’administration d’une toute récente maison de repos et de soins constituée en ASBL – n’a eu de cesse tout au long de la semaine écoulée d’alerter les différents ministres wallons et communautaires ayant un lien plus ou moins établi avec le sujet : Budget, Patrimoine, Culture…
Crèches, bibliothèques, clubs sportifs, maisons de repos, maisons de justice, maisons de jeunes… : toutes ces structures, dès lors qu’elles sont constituées en ASBL, sont ainsi directement concernées.
"Or, ces associations ont besoin d’être propriétaires d’un bâtiment pour leurs activités. Il est révoltant de vouloir utiliser leurs outils de travail comme sources de revenu. Il s’agit d’une atteinte directe à la liberté d’association", juge ainsi le député Antoine, lequel pointe en outre le caractère anticonstitutionnel de la mesure du fait de "la discrimination qu’elle induit entre les structures associatives relevant de la sphère privée et les structures relevant des pouvoirs publics".
Mais face au peu de réponses obtenues, le député d’opposition veut aujourd’hui "mobiliser le monde associatif afin que celui-ci puisse réagir, chacun avec les moyens qui sont les siens. Car ce secteur est aujourd’hui ébranlé avec les crises qui se succèdent, l’indexation des salaires, la hausse des coûts de l’énergie. Sans parler du taux d’absentéisme important qui touche les ASBL travaillant avec l’humain, où les normes d’encadrement très strictes nécessitent parfois de financer du coup deux personnes pour un poste".
Et le député de conclure : "Je n’aime pas utiliser cette formule, mais avec cette mesure, on va taxer les pauvres".
Les "dérapages budgétaires" fragilisent la "loyauté fédérale"
Le député d’opposition André Antoine (Les Engagés) pointe la situation financière délicate des institutions fédérées comme origine de ce qu’il qualifie d’"agression fiscale".

Pour André Antoine, cette "agression fiscale du fédéral à l’encontre du secteur associatif" n’est en réalité que "la dernière étape" d’une "cascade de décisions" prises ces derniers temps par le fédéral "au détriment " des entités fédérées que sont, notamment, les Régions et les Communautés.
Face à la situation devenue délicate d’un point de vue financier de toutes les institutions publiques du pays, " chacun roule pour soi et essaye de faire peser les charges sur les autres", observe ainsi le député : de quoi questionner selon lui " le principe de loyauté fédérale".
"Dans ce pays, je ne sais pas qui parle encore avec qui", regrette encore André Antoine, lequel se montre en outre très inquiet pour la suite qu’il compare à " un combat des pauvres"
"Que ce soit l’Europe, le FMI, la Banque nationale, Belfius, etc. : l’ensemble des institutions financières souligne aujourd’hui que la Belgique part à la dérive au niveau de sa dette. La Belgique est le mauvais élève européen. Or, le dérapage s’observe principalement dans le Sud du pays et à Bruxelles. On va droit à la catastrophe. Au niveau wallon, la moitié de la dette n’est pas liée à des facteurs extérieurs, mais est le fruit de l’emballement des dépenses ordinaires", souligne le député.
Les "coutures" de l’État
Dans un récent communiqué, Les Engagés ont ainsi dénoncé le fait que la dette consolidée de "la Wallonie sera passée de 23 milliards€ en 2019 à 43 milliards€ en 2024. Parmi ces dépenses, les crises Covid, inondations, Ukraine et énergétique n’ont pourtant pesé que pour 4,7 milliards€".
"Il s’agit là d’un dérapage budgétaire caractérisé", reprend ainsi le député centriste.
Et il en est convaincu : si, en Flandre, la dette apparaît " à 100% sous contrôle", en 2024, "les finances de Bruxelles, de la Wallonie et celles de la Fédération seront au centre des débats". Or, jusqu’ici, "tant au niveau wallon qu’au niveau de la Fédération, on se contente d’encaisser les coups. On en est seulement à envoyer un courrier. Auquel le ministre Van Peteghem n’a jusqu’ici même pas pris la peine de répondre".
André Antoine y voit un signe supplémentaire que "les coutures de l’État fédéral sont en train de lâcher petit à petit, à mesure que le Nord et le Sud prennent de plus en plus des directions divergentes, entraînées par les extrêmes".