Parfum de crise en Fédération Wallonie-Bruxelles : et maintenant ?
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles risque-t-il de tomber sur cet épineux dossier ? Les politologues Jean Faniel et Benjamin Biard (Crisp) et Pascal Delwit (ULB) analysent la séquence.
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Publié le 24-03-2023 à 04h05 - Mis à jour le 25-03-2023 à 21h40
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Tandis que le ciel s’est passablement assombri au-dessus de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), le feu couve-t-il à tous les étages de la maison francophone ?
"Depuis deux mois, le climat est devenu très tendu à l’approche des élections de 2024, observe Jean Faniel. Même si celles-ci sont encore loin, on peut voir qu’elles crispent l’ensemble des partis."
Toutefois, et contrairement aux tensions qui animent quasi quotidiennement le niveau fédéral depuis l’installation de la Vivaldi, la brouille qui agite en ce moment les partis de la majorité en FWB ne semblait pas vraiment prévisible. " La Fédération donnait plutôt l’impression de continuer son petit bonhomme de chemin, certes malgré une situation financière compliquée, mais avec une feuille de route où beaucoup de choses ont pu être réalisées, poursuit Jean Faniel. On a d’ailleurs un petit peu de mal à comprendre pourquoi cela bloque sur ce dossier en particulier …"
Particratie
Pour Pascal Delwit, la réponse est peut-être à trouver dans la dimension hennuyère du dossier : "Cela n’aura échappé à personne que le scrutin de 2024 va mettre en confrontation des ténors de la vie politique francophone dans le Hainaut, avec Paul Magnette (PS) et Georges-Louis Bouchez (MR), mais aussi Jean-Marc Nollet (Écolo), Catherine Fonck (Les Engagés) et Sophie Merckx (PTB)".
Au fond, c’est bien au-dessus de la Fédération que le débat semble donc se jouer.
"Cela donne en effet l’impression que nous sommes face à une affaire de partis, et non de partenaires de gouvernement, pointe Jean Faniel. Comme s’il s’agissait d’une querelle à laquelle les cinq ministres concernés (NDLR : Jeholet, Daerden, Linard, Désir et Glatigny) assistaient pratiquement en tant que spectateurs, peut-être à l’exception de la ministre Glatigny qui est en charge du dossier ."
Bras de fer
Quoi qu’il en soit, pour Pascal Delwit, une chose est certaine : " On est entré dans une épreuve de rapport de force politique, où le PS lance un défi à Georges-Louis Bouchez : “Soit vous bougez sur ce dossier, soit on déshabille la ministre”. "
"Et manifestement, dans ce bras de fer, le PS a fait preuve de cohérence", note Jean Faniel, qui souligne également le coup de pression mis par le MR en maintenant sa ligne sur le dossier, " lequel est fort lié à un autre dossier, celui des numéros INAMI. Et on ne peut pas dire que la ministre Glatigny a agi à l’emporte-pièce. Elle connaît le dossier."
Face à cette situation de blocage, quelle solution ?
La semaine dernière, Pierre-Yves Jeholet, ministre-Président de la FWB, avait rappelé les conséquences sur les différents niveaux de pouvoir que pouvait entraîner un passage en force de la part du PS. De là à dire aujourd’hui que son gouvernement est en sursis ?
"Il est difficile d’imaginer une chute prématurée du gouvernement, estime Benjamin Biard. Car des élections anticipées ne sont pas possibles dans les entités fédérées."
"Ou alors, il faudrait que le MR quitte de lui-même le gouvernement. Ou bien qu’une motion de méfiance constructive soit votée", avance Pascal Delwit.
"Mais cela nécessiterait une majorité alternative", rappelle Benjamin Biard.
Compromis
Surtout, pour le politologue de l’ULB, "la question qui se pose désormais, c’est de savoir si un compromis est encore atteignable, sans qu’aucun des acteurs ne soit perdant. De sorte que chacun puisse, par le jeu de la communication, faire valoir son point de vue."
Jean Faniel partage le point de vue de son confrère : "On n’est pas au bord de la catastrophe. Pour faire retomber la pression, on pourrait imaginer que les partis trouvent un compromis, de sorte aussi à éviter que la pression ne gagne les autres majorités".
Et puis, " il y a le délai parlementaire qui reste important : le texte que le PS souhaite déposer (NDLR : avec le soutien des Engagés depuis l’opposition pour contourner le veto actuel du MR) sera pris en considération la semaine prochaine, avec un vote plusieurs jours ou semaines plus tard. Cela peut donc laisser le temps aux partenaires de la majorité de trouver un compromis."
Et le directeur du Crisp de conclure : "Ce qui se passe est sérieux. Mais je ne suis pas certain que cela pourrait déboucher sur une crise dévastatrice…"