Parfum de crise en Fédération Wallonie-Bruxelles : "Un compte à rebours est enclenché"
Les relations entre le PS et le MR se sont envenimées ces dernières heures sur le sulfureux dossier des demandes d’habilitation de l’UMons et l’UNamur, recalées par la ministre libérale de tutelle, au grand dam du président des socialistes. Le politologue et professeur de l’ULB Pascal Delwit analyse la séquence.
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Publié le 23-03-2023 à 22h38 - Mis à jour le 23-03-2023 à 22h39
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Le feu couve dans les rangs de la majorité (MR-PS-Ecolo) à la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Et, avec sa dernière déclaration, Paul Magnette, le président socialiste, n’a fait qu’attiser celui-ci.
Depuis plusieurs semaines, c’est le houleux débat entourant les demandes d’habilitation formulées par l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) à l’attention du gouvernement francophone qui remue la vie politique au Sud du pays.
Pour rappel, sur 57 sollicitations, 2 ont reçu un premier avis négatif de la part de la ministre de tutelle, la libérale Valérie Glatigny : un refus qui a irrité les partenaires du MR au sein même de la majorité, et qui a pris une tout autre tournure depuis la menace brandie par le président du PS de contourner l’avis des libéraux via une majorité alternative à la FWB.
À bonne source, il nous revient que le PS va ainsi déposer un texte au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles mardi prochain, et qu’il peut compter sur le soutien des Écolo dans la majorité, mais aussi et surtout des Engagés depuis l’opposition.
De quoi susciter la plus grande crise politique côté francophone depuis un bout de temps ?
Pour le politologue et professeur de l’ULB, Pascal Delwit, la séquence peut être analysée par trois entrées différentes.
Le nœud de la crise
"On est dans l’exception"
"La première entrée, c’est celle de la collégialité dans la prise de décision. Nous sommes ici dans une logique de dossier qui est toujours, à tout le moins, débattue entre les différents cabinets", observe le politologue.
Or, dans le cas présent, le "non" réservé aux demandes de l’UMons et de l’UNamur ne provient que des cabinets MR au sein de la majorité francophone (MR-PS-Ecolo).
"D’autant que, historiquement, les demandes d’habilitation formulées par l’ARES, qu’elles ne plaisent ou pas, ont toujours été suivies par les gouvernements de la Communauté française. On est donc ici dans l’exception, puisque 2 demandes sur 57 ont été refusées."
L’ombre de 2024
Ensuite, le politologue y décèle "une entrée hennuyère. Cela n’aura échappé à personne que le scrutin de 2024 va mettre en confrontation des ténors de la vie politique belge francophone dans le Hainaut, avec Paul Magnette (PS), Georges-Louis Bouchez (MR), Jean-Marc Nollet (Écolo), Catherine Fonck (Les Engagés) et Sophie Merckx (PTB). Avec qui plus est une focale sur le duel Magnette-Bouchez".
Ce qui conduit le professeur de l’ULB à dégager une troisième entrée : "On perçoit de plus en plus un énervement de tous les autres partis, y compris en Flandre, à l’égard de l’attitude du MR et particulièrement de son président, Georges-Louis Bouchez."
L’énigmatique Geoges-Louis Bouchez
Pascal Delwit pointe à ce sujet la position plutôt obscure du président des libéraux francophones sur ce dossier.
Montois, membre du Conseil d’administration de l’UMons, qu’est-ce qui justifie " une telle focale dans son chef ?", s’interroge ainsi le politologue, qui aurait davantage attendu "que Georges-Louis Bouchez défende l’UMons à l’extérieur vu sa position dans le CA de l’université. Or, il semble assez clair que c’est le président du MR qui a incité la ministre de tutelle Valérie Glatigny à opposer ce refus. Pour quelle raison ? Ce n’est pas très clair… "
Bras de fer politique
Toujours est-il que, suite au refus du MR de céder au chantage du président du PS, la menace d’une réelle crise politique couve côté francophone depuis que les socialistes ont décidé de passer à l’action.
Ce qui est frappant, c’est la ténacité affichée sur ce dossier par Paul Magnette, dans une forme tant discursive qu’attitudinale que l’on avait pris l’habitude de voir plutôt chez son homologue libéral, lequel ne s’est jamais interdit toute critique des gouvernements auxquels son parti, le MR, participe.
"Un défi à Bouchez"
"Il y a eu d’autres opportunités, mais, cette fois, le PS semble vouloir aller au bout d’une certaine logique, vouloir ne plus se laisser instrumentaliser, observe Pascal Delwit. On est entré dans une épreuve de rapport de force politique, où le PS lance un défi à Georges-Louis Bouchez : “soit vous bougez sur ce dossier, soit on déshabille la ministre”."
Avec le risque, comme rappelé par Pierre-Yves Jeholet, de voir un effet boule de neige rapidement se développer et toucher les autres organes politiques où siègent de concert socialistes et libéraux ? De quoi, au final, faire planer le risque d’une crise politique majeure…
Un compromis printanier ?
"Oui, mais on n’en est pas encore là, estime le professeur de l’ULB. Aujourd’hui, la question qui se pose, c’est de savoir si un compromis est-il atteignable sans qu’aucun acteur ne soit perdant, afin que chacun puisse par le jeu de la communication faire valoir son point de vue."
L’impression qui domine, cependant, est que faire marche arrière, tant pour le PS qui a dit et répéter vouloir "aller au bout " que pour le MR qui refuse de céder, sera pour le moins compliqué.
Et si un tel compromis devait être trouvé, la séquence temporelle offre une petite échappatoire : "On pourrait imaginer que cela puisse être le cas juste avant les congés de printemps dans l’enseignement." De quoi laisser ensuite deux semaines pour faire retomber la pression.
Compte à rebours
"La question du côté du PS est de savoir s’il est prêt à risquer une crise côté francophone à un an des élections. Car cela fait quand même plusieurs fois qu’il menace dans la presse de recourir à une majorité alternative."
Quant au MR, "la question est de savoir ce qu’il ferait dans un tel cas. S’il sortira des différentes majorités concernées de son plein gré ou s’il fera les frais d’une motion de méfiance constructive aux niveaux wallon et francophone. Mais quitter les gouvernements aura probablement un impact en interne où les actuels ministres et leur président sortiront affaiblis de cette séquence ".
Une chose est sûre : "On assiste à une sorte de compte à rebours qui est enclenché".