Études en médecine en FWB : "La situation géographique de l’université importe peu"
La présence d’une faculté offrant le cursus complet des études de médecine a-t-elle une incidence sur le nombre de médecins qui viennent ensuite s’établir dans la région ? Témoignages avec de jeunes médecins installés en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
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- Publié le 23-03-2023 à 06h45
- Mis à jour le 25-03-2023 à 09h24
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Ce jeudi, le sort que réservera le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) aux demandes d’habilitations formulées par les établissements d’enseignement supérieur fera, c’est certain, l’objet d’un nouveau et âpre débat lors du conseil réunissant les différents ministres de l’institution.
Depuis plusieurs semaines, le dossier divise la majorité et bloque autour de deux cas (sur 57 au total), lesquels ont reçu un avis défavorable de la ministre de tutelle, Valérie Glatigny : d’une part, celui de l’UMons, qui désire organiser le master complet en médecine ; d’autre part, celui de l’UNamur, qui souhaite proposer à ses étudiants le master de spécialisation en médecine générale.
Depuis la tribune parlementaire, la ministre a notamment justifié cette position en rappelant qu’"aucune de ces deux créations n’augmentera d’un seul le nombre de médecins que nous diplômerons dans les années à venir", faisant ainsi référence aux " quotas fixés par l’autorité fédérale " sur les numéros INAMI. De plus, la ministre rappelle que, compte tenu du fait que le budget alloué à ce dossier est sous enveloppe fermée, le surcoût d’une telle création " sera pris en charge au détriment de toutes les autres formations de toutes les universités".
Stimuler la région
" Il s’agit d’un enjeu social, sociétal et de santé publique pour la province du Hainaut et par-delà", réplique avec insistance Philippe Dubois, recteur de l’UMons, dans un communiqué publié sur le site de l’université. Il rappelle en outre que "notre objectif est d’augmenter l’accessibilité à la formation de base en Hainaut de manière à pallier la carence par rapport aux autres provinces et de stimuler pendant la formation de base les vocations pour la pratique d’une belle spécialisation qu’est celle de médecin de famille".
Du côté de l’UNamur, Pierre Garin, doyen de la faculté de médecine, a expliqué lors d’une récente conférence de presse la volonté pour son université de "simplement répondre à la demande en orientant ces étudiants vers les zones qui en ont un réel besoin ".
Mais la présence d’une faculté offrant un tel cursus favorise-t-elle réellement l’implantation de nouveaux médecins ? En d’autres termes : la situation d’une telle fac joue-t-elle un rôle dans le choix du lieu d’installation chez les jeunes médecins ?
Équilibre de vie
"Un des attraits de la médecine générale, c’est justement qu’on peut aller s’établir là où on veut, témoigne Estelle, jeune médecin généraliste qui s’est établie dans le Nord de la province de Luxembourg. Mais ce que je constate parmi mes connaissances, c’est que, à quelques exceptions près, tout le monde est retourné s’établir dans la région d’où il provenait."
Ainsi, la dimension familiale joue souvent un rôle. "Parce que c’est aussi un réel soutien pour un jeune médecin qui se lance", souligne Estelle.
C’est aussi pour ce motif que Justine, originaire de Braine-l’Alleud, a choisi de s’installer en 2016 dans une petite commune gaumaise, considérée comme en pénurie sévère de médecins généralistes. Sauf que, dans ce cas, c’est pour se rapprocher de la famille de son mari, Antoine, qu’elle a décidé de quitter le Brabant wallon.
"C’était un peu vertigineux de venir s’établir ici, concède ce dernier. On savait que l’installation serait compliquée, même avec les aides (lire ci-contre). On est en zone rurale, loin de tout hôpital, dans une commune en situation de pénurie, ça fait peur..."
Mais après avoir exercé quelques années dans sa province d’origine et gagné en confiance dans sa pratique, Justine a finalement opté pour la Gaume. "Nous avons trois enfants et nous voulions nous installer à la campagne, précise Antoine. C’était avant tout une question de qualité de vie."
Offre médicale
Présence de la famille, qualité de vie, au final, "la situation géographique de l’université importe peu, reprend Estelle. C’est plus le cas des stages, par contre. En médecine générale, il y a peu de stages qui offrent une possibilité de logement. Il est donc fréquent de chercher un stage proche de son kot étudiant ou de la maison de ses parents. Mais un étudiant cherchera souvent à réaliser un stage là où il a envie de s’installer plus tard".
La chose est encore plus vraie dans le chef des médecins spécialisés.
"Les stages jouent un grand rôle, confirme ainsi Hélène, jeune pédiatre récemment installée dans la région de Namur. Plus ceux-ci seront intéressants, plus un jeune médecin aura envie de s’établir à proximité de ce lieu de stage." Et puis "un jeune médecin s’installe en principe là où il y a un hôpital qui propose sa spécialité, qui possède le matériel adéquat, là où il y a déjà une équipe formée… ".
Capter les vocations
L’ouverture d’un master complet à Mons ou d’un master de spécialisation à Namur ne jouerait-elle dès lors aucun rôle dans l’attrait de ces deux régions pour les futurs médecins ?
"Si, cela devrait quand même jouer, estime Vincent, médecin généraliste originaire d’Ath et installé depuis 2013 dans une zone rurale du Hainaut. Quand on va faire ses études ailleurs, on a parfois tendance à être capté par cet ailleurs."
Ainsi, Vincent, qui a fait toutes ses études à Bruxelles, constate que de nombreux étudiants de sa cohorte sont restés sur la capitale. "Aussi parce que c’est là que se trouvent les grands hôpitaux. Pour moi, c’est la recherche d’une qualité de vie qui était le principal critère au moment de m’établir ici."
Et donc, plus qu’attirer les jeunes diplômés, la présence d’une fac de médecine présenterait surtout, aux yeux de Vincent, "une opportunité pour des jeunes qui se destinent à de telles études et qui n’ont pas envie d’être déracinés ou pour qui faire l’aller-retour vers l’université est compliqué financièrement."