Elles ont fait des bébés toutes seules: leur nombre en augmentation
Aujourd’hui, de plus en plus de femmes décident de faire un bébé toutes seules. Ainsi, le nombre de FIV et d’inséminations artificielles de femmes célibataires est en hausse.
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Publié le 16-03-2023 à 06h00
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Entre 2016 et 2020, les inséminations artificielles (injecter des spermatozoïdes dans la cavité utérine) et les fécondations in vitro (organiser la rencontre en labo entre un ovule et un spermatozoïde) de femmes célibataires ont augmenté respectivement de 20% et 18%. Et les hausses sont plus importantes si on exclut 2020, année marquée par le Covid. Les inséminations de femmes célibataires ont ainsi augmenté de 36% entre 2016 et 2019 et les accouchements suite à une FIV de 47%.
Ces chiffres, qui se basent sur les dernières données du Belrap (Belgian register for assisted procreation), ont été communiqués par le ministre de la Santé. Et ce, en réponse à une question parlementaire concernant "les mères célibataires par choix".
Plus précisément, on dénombrait, en 2016, 568 débuts de traitement pour insémination artificielle par des femmes célibataires, dans les centres de fertilité belges ; 627 en 2017, 758 en 2018, 773 en 2019 et 687 en 2020. La part des femmes célibataires pour ce type d’intervention est passée de 8,8% à 11,9%.
Les accouchements de femmes célibataires ayant subi une fécondation in vitro (en cas d’endométriose, trompe bouchée,…) sont, eux, passés de 160 en 2016 à 235 en 2019, et 190 en 2020.
Des demandes qui continueraient même d’augmenter après 2020 ( "un tiers de demandes en plus"), selon la députée CD&V Nawal Farih, auteure de la question parlementaire, évoquant des données des centres de fertilité de l’UZ Gent, l’UZ Leuven, etc.
Autonomie des femmes
La Pr Annick Delvigne, cheffe de service du centre de procréation médicalement assistée de la clinique CHC MontLégia (Liège), ne se dit pas étonnée. "Ces dernières années, on a vu de plus en plus de femmes célibataires frapper à nos portes. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. La pratique est permise depuis longtemps en Belgique (2007, NDLR) , ce n’est donc plus tabou. Et puis, il y a l’augmentation de l’autonomie des femmes, qui ne passe plus par le mariage ou le partenaire. Un partenaire que les femmes mettent parfois plus de temps à trouver aujourd’hui. Pour autant, être mère célibataire n’est pas forcément un premier choix non plus."
La Pr Delvigne constate toutefois une évolution dans les profils des célibataires. "Cela fait 30 ans que je fais ce métier. Avant, elles avaient plus de 35 ans, eu plusieurs histoires de couple et se sentaient menacées par leur horloge biologique. Le contexte était un peu négatif. On voit désormais arriver d’autres groupes de femmes: des plus jeunes, celles qui disent “je peux élever un enfant seule”, ou “je veux mon bébé maintenant”."
Plus de 41 ans
Le Pr Herman Tournaye, chef de service de Brussels IVF, le centre de fertilité de l’UZ Brussel, observe lui plutôt une augmentation de l’âge des femmes célibataires qu’il reçoit. " On voit de plus en plus de femmes qui ont besoin d’une FIV et d’une double donation: à la fois de sperme et d’ovules ! C’est encore marginal mais on ne voyait pas cela, il y a 10 ans. À noter qu’après 40 ans, l’adoption est aussi plus compliquée, et pour une femme célibataire probablement impossible."
Le Pr Tournaye évoque une tendance sociétale: l’âge moyen des mères à la naissance de leur premier enfant ne cesse de reculer en Belgique (29,3 ans).
D’après les chiffres du ministre, les femmes célibataires procèdent à une insémination ou une FIV entre 35 et 40 ans dans la moitié des cas. Mais des hausses notables sont observées chez les 25-34 ans et les +41 ans. Ainsi, les accouchements de femmes célibataires de 25-34 ans suite à une FIV ont augmenté de 43% entre 2016 et 2019, et de 81% pour les +41 ans.
Limites
Cependant, il n’est pas rare que les centres de fertilité mettent des limites. "Nous ne prenons pas de célibataires avant 32 ans, informe la Pr Delvigne. C’est à ce moment-là que la courbe de fertilité diminue. Et décider d’élever un enfant seule demande une certaine stabilité et maturité. Il y a enfin d’autres pistes à envisager comme la congélation d’ovocytes." Le centre liégeois compte aujourd’hui 30 à 50% de refus de femmes célibataires, contre 56% en 1997. " Il faut respecter l’autonomie de la femme mais aussi celle du médecin qui peut se retrancher derrière la clause de conscience prévue dans la loi PMA de 2007. Dans notre centre, chaque demande donne lieu à un entretien psychologique. L’idée est d’accompagner la patiente dans un choix de parentalité différente et la décision du médecin."
À l’UZ Brussel, on vise 35 ans. "Mais tout est discutable", assure le Pr Tournaye. Le centre bruxellois reçoit 600 à 800 demandes de femmes célibataires par an. Elles ne sont plus que la moitié après avoir répondu à un questionnaire. "On leur pose des questions sur le côté financier, on leur demande si elles ont un réseau pour s’occuper de l’enfant au cas où, etc. ", note le Pr Tournaye. De cette moitié, 200 à 300 commenceront le traitement. "En effet, on constate entre-temps qu’1 sur 4 n’est plus célibataire. Et vu la pénurie de sperme, on ne peut les accepter. Il faut peut-être aussi qu’elles donnent une chance à cette nouvelle relation." Les femmes célibataires représentent entre 5 et 7% des cycles par inséminations ou FIV au centre bruxellois.
La Pr Delvigne estime que l’on pourrait assister à une diminution des chiffres dans les années à venir: "Une partie de nos patientes sont françaises car jusqu’il y a peu, les femmes célibataires ne pouvaient pas avoir accès à la PMA en France. Mais la loi a changé l’an passé."
En 2022, MontLégia a accompagné 59 femmes célibataires belges et 8 françaises. Entre 2006 et 2022, l’UZ Brussel a accompagné 624 célibataires françaises (soit 5% des patientes célibataires).