Les Wallons devraient vieillir davantage à deux
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la proportion de personnes âgées de 75 à 89 ans qui sont seules diminue et va continuer à diminuer en Wallonie, selon l’économiste Philippe Defeyt.
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Publié le 10-03-2023 à 18h00
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Le vieillissement en Wallonie, un tsunami ? C’est une question de point de vue et d’indicateur, assure Philippe Defeyt, président de l’Institut pour un développement durable (IDD).
Dans sa dernière note, l’IDD tord le cou à quelques idées reçues sur le vieillissement. "Le vieillissement est parfois perçu et présenté comme une grande vague qui va submerger nos sociétés de personnes seules et dépendantes qu’il va falloir supporter, indique Philippe Defeyt. Or, avant de paniquer, regardons les évolutions calmement."
Pour l’économiste, si l’évolution du nombre de +65 ans peut être utile à prendre en compte dans un dossier comme celui des pensions, il est important aussi de considérer l’évolution de l’espérance de vie en bonne santé, dans la mesure où l’état de santé moyen des personnes âgées s’améliore tendanciellement.
En s’inspirant des travaux de l’Association pour le développement de la recherche appliquée en sciences sociales (ADRASS) et du Bureau fédéral du plan, l’IDD propose un indicateur alternatif: le nombre de personnes dont l’âge est au minimum égal à l’espérance de vie moins 10 ans, tout en admettant que "c’est dans ces dix années que les dépenses en santé commencent à exploser, observe Philippe Defeyt. Cela permet d’avoir une borne qui évolue dans le temps."
Ainsi, si les +65 ans en Wallonie augmenteront de 255 000 personnes entre 2023 et 2050, "les âgés qui ont potentiellement des problèmes de santé importants – et qui donc devraient “peser” sur les dépenses de santé – ne devraient augmenter “que” de 98 000".
Les personnes âgées vivent seules, vraiment ?
Pour Philippe Defeyt, il faut aussi évoluer dans nos représentations. Ainsi, l’image de la personne âgée, "vieille femme seule qui passe sa journée dans son fauteuil", reste largement répandue.
Or, si le nombre de personnes seules augmente en termes absolus depuis 1992, en termes relatifs, ce n’est pas le cas pour toutes les catégories d’âge, pointe l’économiste.
En ne considérant dans la note que les ménages privés (pas les personnes vivant en maison de repos), la proportion des 75-89 ans qui vivent dans un ménage de deux personnes au moins (en couple, avec un membre de la famille,…) augmente depuis 1992 en Wallonie.
Au 1er janvier 2022, ils étaient 66% des 75-79 ans à vivre en ménage en Wallonie ; 58% des 80-84 ans et 38% des +90 ans.
Et selon le Bureau fédéral du Plan, cette tendance à l’augmentation devrait se prolonger à l’avenir.
L’IDD remarque par contre que cette proportion baisse chez les 65-74 ans. "Mais rien n’est linéaire", pointe Philippe Defeyt. On peut être en couple, se séparer, emménager chez ses enfants ou dans un habitat partagé, etc.
Des hommes de plus en plus vieux
"En tout cas, de plus en plus de personnes de 75-89 ans auront la chance dans le futur de vivre avec quelqu’un d’autre. Or, les 75-89 ans devraient voir leur part augmenter dans les +65 ans de 38,2% en 2022 à 50% en 2050. Au total, la proportion de personnes seules chez les 65 ans et + bouge peu sur le long terme."
Philippe Defeyt y voit un parallèle avec le fait que de plus en plus de personnes avançant en âge seront des hommes. "Encore aujourd’hui et depuis longtemps, les femmes ont une espérance de vie plus grande que les hommes – les femmes prédominent dans les catégories d’âge avancées. Mais l’écart a tendance à se réduire."
En 2050, l’espérance de vie pour les hommes sera de 85,2 ans et de 87,7 ans pour les femmes. Aujourd’hui, elle est de 80,1 ans pour les hommes et 84,4 ans pour les femmes. Dès lors, si "en 1992, les hommes représentaient 30% des 75 ans et +, ce sera 46% en 2050", ajoute l’économiste.
À noter que vivre seul ou à deux peut impacter la nature et l’intensité des services rendus sur le lieu de vie, le niveau de vie, le taux de pauvreté. "Ce n’est pas une règle systémique et certains seront heureux seuls et malheureux en ménage. Mais vivre en ménage – pas forcément en couple – est bon pour le moral, permet de partager les charges, de compter sur l’aide de l’autre,…"