Fumer en voiture avec des enfants à bord: trop peu de contrôles ?
Le SPF Santé publique a mené 180 contrôles en un an, quant à l’interdiction de fumer en voiture en présence de mineurs. Seules 4 infractions ont été constatées.
Publié le 24-01-2023 à 05h00 - Mis à jour le 24-01-2023 à 06h52
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Juillet 2019. Une loi interdit de fumer en voiture en présence d’un enfant de moins de 16 ans. Un an plus tard, une proposition de loi de Catherine Fonck (Les Engagés), Karin Jiroflée (Vooruit) et Els Van Hoof (CD&V) est adoptée à la quasi-unanimité et élargit la loi à la présence de passagers de moins de 18 ans.
La députée CD&V a récemment posé une question au ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), sur les contrôles de cette interdiction. On apprend que 180 contrôles (104 en Flandre, 22 à Bruxelles et 54 en Wallonie) ont été réalisés d’août 2021 à septembre 2022, par le service Inspection tabac et alcool du SPF Santé publique.
L’administration entend par "contrôle" un point de contrôle où plusieurs voitures sont contrôlées. Les inspecteurs du SPF s’installent en effet dans des endroits où les adultes arrivent en voiture avec leurs enfants: parcs d’attractions, écoles, crèches, centres sportifs, etc.
On constate par ailleurs que 65% de ces contrôles sont réalisés en septembre. "Ce mois est traditionnellement marqué par une campagne de rentrée scolaire au cours de laquelle des contrôles supplémentaires sont effectués", note le ministre.
Au cours de ces contrôles, seules… 4 infractions ont été constatées – voitures où l’on fumait effectivement en présence de mineurs – et 4 procès-verbaux dressés (1 à Bruxelles et 3 en Wallonie).
Pour rappel, les contrevenants s’exposent à des amendes allant de 208 à 8 000 €.
Comment expliquer ce faible taux d’infraction ? Le message est-il passé auprès des automobilistes ? Ou les contrôles ne sont-ils pas suffisants ? Et la loi, du coup, valait-elle la peine d’être promulguée ?
« Contrôle compliqué »
Sur le nombre de contrôles, on reconnaît au SPF Santé publique qu’ils ne sont pas forcément simples à mener: "Pour ce type de contrôle, on travaille sur base de campagne. Il n’y a pas vraiment de contrôle continu, même si un contrôleur qui constate un tel comportement peut toujours le verbaliser. Nos campagnes sont organisées dans des lieux où nous savons que de nombreux enfants sont déposés en voiture."
À titre d’information, le SPF Santé publique communiquait récemment avoir effectué 3 500 contrôles en 2022 pour l’interdiction de fumer dans les bars. Avec infraction dans 5% des cas.
« Une loi qui sensibilise »
"C’est une législation pour laquelle on savait à l’avance que le contrôle serait compliqué, réagit Suzanne Gabriels, expert prévention tabac de la Fondation contre le cancer. Néanmoins, cette loi, même sans ou avec peu de contrôle, a son impact. Si elle est plutôt symbolique, cette loi permet de sensibiliser. Dans ce cadre, les normes sociales jouent un rôle: face à l’interdit, les gens ne veulent pas être jugés par les autres…"
Suzanne Gabriels pointe également le peu de contrôleurs au SPF. "Ils contrôlent surtout dans l’horeca. Par ailleurs, on préfère qu’ils soient concentrés sur la publicité en ligne pour le tabac par exemple que sur la cigarette en voiture. Notre idée n’est pas non plus de mettre un contrôleur à chaque coin de rue. On ne voudrait pas que le gouvernement, qui a déjà peu de sous pour la prévention, mette tout l’argent là-dedans."
À noter que selon un sondage de la Fondation contre le cancer, 87% des fumeurs soutenaient en 2016 l’interdiction de fumer en voiture en présence de mineurs. "Les gens sont sensibilisés à cette question. Ce qui peut expliquer le faible taux d’infraction. Et contrairement à la cigarette dans les bars où le facteur commerce peut jouer – certains tenanciers auraient peur de perdre leur clientèle – ce n’est pas le cas en voiture…"
Néanmoins, pour Catherine Fonck, à l’initiative de la proposition de loi à l’époque, "il fallait faire passer cette loi surtout au regard de la toxicité du tabac pour les enfants".
La Fondation embraye: "La raison d’être de cette loi est la protection des enfants. Fumer en voiture entraîne une concentration de substances cancérogènes dans l’air 27 fois plus élevée que fumer à la maison. Le tabagisme passif est nocif pour tous, mais les enfants y sont particulièrement sensibles. Leurs poumons ne sont pas encore tout à fait développés."
La députée poursuit: "4 infractions, surtout sur un si petit nombre de contrôles, ne nous permettent pas de crier victoire et de dire youpi, la loi a fonctionné."
Et de poser la question du renforcement de l’inspection. Si les policiers peuvent eux aussi constater ce type d’infraction, "ils sont déjà débordés, note Catherine Fonck. Mais ils pourraient, lors de leurs contrôles alcool par exemple, glisser un message sur le tabac s’ils constatent un paquet de cigarette dans la voiture. Il n’y a pas que le levier contrôle".