Les timides initiatives pour combler le manque généré par la fin du nucléaire
Il serait injuste de valider l’idée selon laquelle absolument rien n’a été fait pour anticiper la sortie du nucléaire.
Publié le 14-01-2023 à 07h01
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Le 1er juin 2005, une loi de Marc Verwilghen pose les bases d’un mécanisme autorisant l’État belge à recourir au procédé d’appel d’offres afin de développer de nouvelles capacités de production d’électricité " en cas de mise en danger de la sécurité d’approvisionnement".
Ce mécanisme ne sera cependant pas activé sous cette législature, pas plus que sous les trois suivantes.
Réserve stratégique
Il faut en effet attendre 2011 et l’arrivée au portefeuille de l’Énergie de Melchior Wathelet pour que le gouvernement concrétise une première salve de décisions concrètes en la matière depuis les différentes lois de "l’ère Deleuze" (lire nos éditions de jeudi).
Le ministre propose alors l’introduction d’un mécanisme de "réserve stratégique", lequel prévoit dans le texte "la possibilité de maintenir [une] unité en service pour une période déterminée si cela est indispensable pour maintenir la sécurité d’approvisionnement, dans l’attente de l’arrivée de nouveaux moyens de production", ce qui signifie que "le producteur doit maintenir son unité de production en état de produire (entretien préventif et curatif, contrat d’approvisionnement en combustible, personnel, etc.). Il devra en outre offrir l’activation de son unité à un prix prédéterminé". Cette réserve stratégique est concrétisée par une loi promulguée le 26 mars 2014.
Appel d’offres
Quelques mois plus tôt, Melchior Wathelet active le mécanisme d’appel d’offres rendu possible par la loi de 2005. Ainsi, le 18 novembre 2013, le ministre constate par arrêté "la nécessité de recourir à la procédure d’appel d’offres pour l’établissement de nouvelles installations de production d’électricité afin de garantir la sécurité d’approvisionnement du pays". Les modalités de ce premier appel sont définies par arrêté royal un mois plus tard. Sans effet : le 27 mars 2015, la nouvelle ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem, prend à son tour un arrêté qui met fin à la procédure. Par opportunité politique ?
"Non, le projet n’était tout simplement pas mûr. Les incitants proposés étaient trop faibles au goût des producteurs", avance une source ayant collaboré au processus. "L’Europe allait de toute façon recaler le projet, estimant qu’il s’agissait là d’une aide illégale d’État", avance une autre source de même nature.
La principale intéressée valide cette seconde option : "L’Europe a dit en substance que le résultat de cet appel d’offres européen aurait donné le marché à coup sûr à Maasbracht, les centrales hollandaises situées à la frontière et distantes de nos installations d’une soixantaine de kilomètres. Donc, il aurait fallu en plus faire un câble pour que l’on soit effectivement le réceptacle de cette énergie et pour que ces centrales sortent du mix énergétique de la Hollande et de ses interconnexions générales. Il fallait qu’elles soient régulées par notre régulation belge puisque l’électricité produite aurait dû l’être pour la Belgique."
Rémunération de la capacité
Mais si le mécanisme n’est pas au point, l’idée générale, elle, fait consensus.
Le 22 avril 2019, la ministre Marghem promulgue à son tour sa propre loi instituant un procédé du genre, le mécanisme de rémunération de la capacité (CRM).
"Je voulais un CRM pour soutenir les moyens de production en gaz qu’il convenait de remplacer au fur et à mesure dans notre pays, car nos centrales à gaz sont vieilles", justifie l’ex-ministre.
Or, dans un marché de l’électricité libéralisé où les prix ont tendance à diminuer, " les centrales à gaz n’avaient plus de soutien. Parce que ceux qui avaient une centrale à gaz payaient plus cher l’électricité qu’ils vendaient. En fait, on est toujours à contretemps dans cette histoire, par manque de pragmatisme et par manque de compréhension du sujet".
Un mois plus tard, le gouvernement remet son mandat dans les mains des électeurs lors du scrutin législatif du 26 mai. Chargée d’expédier les affaires courantes, la Suédoise – amputée de la N-VA qui a quitté le gouvernement cinq mois plus tôt – n’active donc pas le mécanisme, dont hérite Tinne Van der Straeten lors de sa nomination au sein de la Vivaldi, le 1er octobre 2020.
"Quand je suis arrivée, l’une des premières choses à faire a été de vérifier auprès de la Commission européenne si le mécanisme était valide", explique l’actuelle ministre.
C’est finalement le 31 octobre 2021 que Elia, le gestionnaire du réseau à haute tension, publie les résultats de la première enchère organisée via ce mécanisme et destinée à doper la production alternative d’énergie en vue de l’après-nucléaire : 2025-2026.