Les écoles libres tiennent enfin leur refinancement historique
Étienne Michel, directeur du Secrétariat général de l’Enseignement (SeGEC), fait le point sur les dossiers chauds du moment et salue notamment la réforme de financement de l’enseignement obligatoire en Fédération Wallonie-Bruxelles, validée en décembre par les parlementaires.
Publié le 05-01-2023 à 00h01 - Mis à jour le 06-01-2023 à 12h42
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Plus de vingt ans après sa signature, l’accord dit de la Saint-Boniface produit enfin ses effets très attendus par l’enseignement libre.
Acté en 2001, cet accord conclu entre, d’une part, les partis de la coalition arc-en-ciel au fédéral et, d’autre part, le PSC, ancêtre du mouvement Les Engagés, prévoyait le refinancement de l’enseignement catholique par l’augmentation des subventions, de sorte à les faire correspondre à 75% de la dotation octroyée au réseau d’enseignement officiel organisé par la Communauté française, devenu Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE) en 2019.
Depuis, les effets de cet accord avaient été systématiquement reportés sous les précédentes législatures. Lors de la dernière, ce report avait même été repoussé à… 2038 ; un délai contesté par le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SeGEC) devant la Cour constitutionnelle, laquelle avait sommé le gouvernement actuel de se mettre en conformité avant la fin 2022.
C’est désormais chose faite avec l’adoption en séance plénière du Parlement le 14 décembre dernier du décret modifiant le financement de l’enseignement.
Rééquilibrage
Étienne Michel (SeGEC), quel regard portez-vous sur ce texte ?
Sur la méthode, c’est tout à fait défendable et pertinent, car il procède au rééquilibrage entre les différents réseaux. Le gouvernement a pris une bonne décision en annulant conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle l’article relatif au régime transitoire particulièrement favorable à WBE. Celui-ci a été estimé à 30 millions€. Leur décision est de réaffecter ce montant à l’ensemble des réseaux, tout en suivant les principes édictés dans l’accord de la Saint-Boniface. C’est donc une décision intrinsèquement pertinente.
Mais… ?
J’émettrais deux réserves. D’une part, à côté des subventions de fonctionnement, il y a la question du financement du personnel administratif et ouvrier (PAPO). Les éléments restent nébuleux autour de cet enjeu qui représente environ 10 millions€. D’autre part, il y a la question du timing : le processus de redistribution va s’étaler sur dix ans, pour une fin de processus en 2032. C’est long…
Au final, êtes-vous tout de même satisfait ?
Il y avait une décision qui ne nous paraissait pas juste, nous nous sommes donc tournés vers la justice. La Cour s’est exprimée et le gouvernement a tenu compte de son arrêt, ce qui montre que nous vivons dans un État de droits. C’est donc une bonne nouvelle.
Plus qu’une revanche, ce décret apparaît dès lors plutôt comme une sorte de correction.
Oui. Car le principe d’égalité de traitement entre les élèves a été inséré en 1988 (NDLR : lors de la troisième réforme institutionnelle, laquelle a notamment révisé l’article 17 de la Constitution et communautarisé l’enseignement). Mais il n’est pas évident d’adapter la législation préexistante.
Perspectives
Un autre gros morceau de cette législature concerne les bâtiments scolaires. Parmi les initiatives du gouvernement (lire ci-contre), il y a ce fameux budget d’1 milliard€. Quel regard portez-vous sur ce dossier ?
Je voudrais avant tout saluer cette initiative, qui vise à donner des perspectives en matière de bâtiments scolaires. Je pense que c’est la première fois qu’on a un cadre aussi substantiel sur les dix prochaines années.
À l’initiative du projet de décret, le ministre de tutelle Frédéric Daerden a annoncé que le taux d’investissement serait identique pour toutes les différentes catégories de pouvoirs organisateurs : 65%. Vous êtes satisfait ?
Dans les fonds classiques, aujourd’hui, WBE a une intervention à 100% ; l’officiel subventionné, 60% ; nous, c’est juste le fonds de garantie. Donc, ici, on va vers un modèle où l’on généralise grosso modo le régime applicable à l’enseignement officiel subventionné, ce qui est de notre point de vue le bon choix.
Encore faut-il que la répartition de ce milliard se fasse de manière équilibrée…
Je suis confiant qu’une discussion concernant les paramètres qui seront pris en compte aura lieu, comme l’a annoncé le ministre.
L’intention exprimée par le ministre est de faire adopter ce décret pour février, avec trois appels à projet étalés sur 2023 et 2024. Le timing est serré ?
Extrêmement serré. Ce serait dans l’ordre des choses que cela prenne plus de temps, ce qui ne serait pas un problème en soi. Il faut se rendre compte que, pour ce qui relève de l’enseignement supérieur, il ne pourra être rentré de projet après la fin du second semestre 2023.
C’est-à-dire demain. Cela ne risque-t-il pas de forcer les écoles à déposer des projets qui n’auront pas été suffisamment pensés, réfléchis ?
Il y a pas mal d’écoles qui ont des besoins, qui souhaitent pouvoir réaliser un certain nombre de projets. Il faut évidemment que tous ceux-ci puissent être préparés dans des conditions correctes, mais je comprends l’idée de regrouper les appels à candidature. Le timing va-t-il rester celui-là ? On verra. Mais si le ministre adapte son intention initiale, personne ne lui en fera le reproche…
Progrès
Peut-on parler de moment historique ?
On est à un moment de dépassement progressif de contentieux qui ont lourdement pesé sur l’enseignement libre. C’est un moment important et ce sera une bonne nouvelle pour la FWB de pouvoir dire que ces contentieux hérités de l’histoire de l’enseignement sont en voie de dépassement durable.