Congé de paternité à 20 jours: des papas ne le prennent pas
Le congé de paternité est passé à 20 jours ce 1er janvier 2023. Or, une partie des pères ne prennent pas ce congé auquel ils ont droit.
Publié le 02-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 02-01-2023 à 08h02
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Ce 1er janvier, le congé de paternité est passé de 15 (2021) à 20 jours. "C’est super mais insuffisant, réagit Lola Galer de la Ligue des familles. Il a fallu 20 ans pour que ça évolue ! C’est une première étape vers les 15 semaines, comme pour les mamans." Et il ne faut surtout pas s’arrêter là, dit la Ligue. "On a proposé au gouvernement un échéancier pour atteindre 15 semaines en 2029." Or, pour le moment, rien n’est prévu au-delà de 2023.
Plusieurs pays ont allongé le congé de paternité et certains l’ont même rendu en partie obligatoire (lire ci-contre). "C’est possible !, estime Lola Galer. Mais c’est une question de mentalité, de volonté politique et puis ça coûte."
En 2019, derniers chiffres disponibles, on comptait 372 886 jours indemnisés dans le cadre du congé de paternité pour 39,4 millions€. Et 6 millions de jours indemnisés dans le cadre du congé de maternité (413,7 millions€).
Pour la chargée d’études de la Ligue des familles, "il s’agit d’investir pour l’avenir. Des études montrent que les mères sont 40% plus susceptibles que les pères d’être en incapacité jusqu’à 8 ans après la naissance de l’enfant. Elles démontrent qu’en Belgique, l’introduction d’un congé de paternité a réduit de 21% le temps que les mères passent en incapacité sur les 12 ans qui ont suivi la naissance. Or, les incapacités coûtent aussi".
Allonger le congé de paternité, c’est surtout une manière structurelle de combattre les inégalités de genre, assure Lola Galer. "Cela favorise une réelle coresponsabilité, diminue le nombre de femmes victimes sur le marché du travail. Le fameux prix de la maternité ! 8 ans après avoir donné naissance, une mère belge gagne en moyenne 43% de moins qu’avant d’avoir un enfant. Les femmes gèrent le quotidien dès après la naissance et ça persiste après la reprise du travail."
Combattre les inégalités
La naissance est un moment clé pour agir: c’est là que se cristallisent les inégalités homme-femme. "Au plus tôt les pères sont impliqués, au plus longtemps ils s’impliquent, au mieux est le bien-être familial."
Mais aujourd’hui, une part non négligeable des pères ne prennent pas – ou partiellement – leur congé de paternité. Et ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas intéressés. 67% sont favorables à sa prolongation jusqu’à 15 semaines et 66% souhaitent le rendre obligatoire, selon le Baromètre de la Ligue des familles qui a sondé 1 000 adultes fin 2022. Des mesures davantage plébiscitées par les pères de jeunes enfants.
Selon ces chiffres, 60% des pères ont pris le congé dans sa totalité. 40% ne l’ont pas pris (37%) ou partiellement. À noter que les pères indépendants ont droit au congé de paternité depuis 2021 seulement et que ceux au chômage ne peuvent y prétendre.
Pression professionnelle
Les pères qui ont pris partiellement leur congé l’ont pris en moyenne 5,8 jours sur 10 ou 15 jours (selon le moment auquel ils ont eu un enfant).
Ce sont surtout les pères de 18-34 ans (69%) qui ont pris le congé de paternité totalement. Et ce dernier est plus pris par les pères de niveaux socio-économiques supérieurs (65%) que socio-économiques inférieurs (56%).
Parmi les raisons invoquées par les pères qui n’ont pas pris ce congé: la crainte de la perte de revenus (21%) – 11% en 2020 -, le fait ne pas y avoir eu droit à l’époque (18%), la peur des conséquences sur leur vie professionnelle (13%) ou le fait de ne pas savoir se faire remplacer au boulot (13%). 17% ne savaient pas que cela existait et 11% qu’ils y avaient droit !
Jean-François, 46 ans aujourd’hui, n’a pas pu prendre son congé de paternité pour son 2e fils il y a plusieurs années. "J’étais responsable boucherie dans un magasin et on m’a dit que ce n’était pas possible, qu’on me paierait mes jours. Il y a eu de la pression aussi: si je voulais une place au-dessus, il valait mieux que je ne le prenne pas…" Résultat, au lendemain de l’accouchement, Jean-François est au travail. " Avec le recul, je me dis que je n’ai pas profité de la naissance de mon fils et c’est dommage."
Pour Jean-François, les pratiques n’ont sans doute pas changé depuis. "Il y a encore une grosse pression professionnelle aujourd’hui, acquiesce Lola Galer. C’est pourquoi il est important de rendre ce congé obligatoire. Au-delà des entreprises, il y a un changement à apporter au niveau de la société. Et si les hommes qui ont des fonctions importantes prenaient leur congé, cela montrerait l’exemple. Les pères sont autant en charge de leur enfant que les mères. Et les compétences parentales ne sont pas innées."
Si au niveau des mentalités, "on va vers un mieux, la répartition boulot-tâches ménagères est figée depuis longtemps. C’est en allongeant ou rendant obligatoire le congé de paternité que l’on changera les mentalités".
Mais allonger le congé fera-t-il en sorte que plus de pères le prendront ? "C’est une demande de leur part en tout cas."