Multilinguisme via la double immersion : entre «renforcement de l’apprentissage des langues» et «précipitation»
La majorité PS-MR-Ecolo au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) a adopté ce mercredi 30 novembre 2022 le projet de décret instaurant le principe de la double immersion dans l’enseignement secondaire : à partir de la rentrée du mois d’août 2023, les écoles qui le souhaitent pourront proposer deux cursus en immersion linguistique à leurs élèves. Pour l’opposition, le projet n’est pourtant "pas mûr" et son adoption est "précipitée". Explications.
Publié le 30-11-2022 à 17h58 - Mis à jour le 30-11-2022 à 17h59
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Suivre un enseignement de type immersif en langues néerlandaise et anglaise, en plus du français, sera désormais possible en Fédération Wallonie-Bruxelles.
En effet, dès la prochaine rentrée scolaire, le principe de la double immersion autorisera les écoles qui le souhaitent à proposer deux filières de ce type à leurs élèves ; parmi ces deux filières, au moins une devra porter sur l’une des langues officielles pratiquées dans les autres communautés du pays, à savoir le néerlandais et/ou l’allemand.
Assise juridique
Il est "important de soutenir toute méthode pédagogique qui vise à soutenir l’apprentissage des langues", a souligné Fatima Ahallouch (PS), laquelle, au nom de son groupe, a estimé que l’adoption du texte instaurant la double immersion était également "importante pour donner une assise juridique à des projets innovants pensés depuis longtemps par des équipes pédagogiques qui les ont mis en place et qui ont démontré leur capacité à pouvoir les faire vivre".
En effet, deux écoles sur le territoire de la Fédération bénéficient à l’heure actuelle d’une dérogation qui leur permet ainsi de proposer ce principe de la double immersion : l’Athénée Lucienne Tellier à Anvaing et l’Athénée Adolphe Max à Bruxelles.
Ce mercredi, les députés de la majorité francophone (PS-MR-Ecolo) ont donc approuvé le projet de décret qui vise à étendre le principe à l’ensemble des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui souhaitent mettre en place un tel programme.
Expérimental
Depuis le banc de l’opposition, Mathilde Vandorpe (Les Engagés) a condamné au nom de son groupe un texte "qui nous laisse tout à fait insatisfaits par son manque de cohérence par rapport à son caractère pérenne", ajoutant qu’il " devrait être limité et expérimental".
En guise de réponse, la ministre Caroline Désir (PS) a cependant rappelé que "l’immersion implique l’entièreté d’un cursus scolaire et mobilise l’entièreté d’une équipe pédagogique", s’interrogeant dès lors sur la façon de mettre en place "un dispositif expérimental au sein des écoles où des élèves s’inscrivent chaque année".
Mathilde Vandorpe a dit en outre regretter "que les jeunes francophones scolarisés à Bruxelles ne puissent pas démarrer l’apprentissage dès la troisième maternelle en anglais, tout comme certaines communes à statut linguistique spécial, mais devront attendre la première secondaire non pas en immersion simple mais en double immersion".
Dans le secondaire
"Nous aimerions tous que ce type d’enseignement puisse démarrer plus tôt, on connaît les dispositions des plus jeunes à acquérir et à développer l’apprentissage des langues, a cependant pointé Nicolas Janssen (MR) dans les rangs de la majorité. Toutefois, nous connaissons le contexte actuel de pénurie d’enseignants en langues ainsi que la situation budgétaire de la Fédération et l’impact budgétaire de l’organisation des cours de néerlandais au plus tôt du tronc commun, ce qui ne nous permet pas d’avancer ce dispositif, à l’heure actuelle du moins."
D’autant que, dans le chef de la majorité toujours, l’ambition est d’aller plus loin : "Il n’y a pas de solution unique" pour le défi que représente l’apprentissage des langues, "mais une multitude de solutions à mettre en œuvre, et celle-ci en est une ", a ainsi estimé Jean-Philippe Florent (Écolo), précisant ne pas douter "que ce décret favorisera l’éclosion de nouveaux projets enthousiasmants" et qu’il "renforcera l’apprentissage des langues, qui est un objectif majeur de notre déclaration de politique communautaire".
Précipitation
Parmi les autres projets destinés à renforcer l’apprentissage des langues, figure "la tenue toute prochaine des États généraux" de l’immersion, " qui offriront de mener une réflexion de fond indispensable en la matière", a précisé face aux députés la ministre de l’Éducation.
"Pourquoi dès lors avancer avec un nouveau texte ?", s’est dès lors interrogé Jori Dupont (PTB), estimant "paradoxal" d’avancer sur la double immersion alors que des auditions sont programmées, jugeant ainsi que, "à ce stade, le débat n’est pas mûr". "Le groupe PTB ne comprend pas cette volonté de légiférer dans la précipitation", a-t-il ajouté.
Même son de cloche du côté des Engagés où Mathilde Vandorpe a dit prendre "acte que la majorité se précipite". Tout comme le PTB, le mouvement centriste a choisi de s’abstenir lors du vote.
Accélérer l’apprentissage des langues
"Mon groupe ne veut en rien ralentir toute action du gouvernement qui vise à renforcer l’apprentissage des langues", a toutefois répondu Nicolas Janssen, un argument partagé par ses collègues de la majorité du côté du PS et d’Écolo.
Du côté de DéFI, partagé sur la question au moment du vote (seul Michaël Vossaert a voté en faveur du texte ; les deux autres députés du parti amarante s’abstenant), Sadik Köksal a, lui, appelé à mettre en place "une véritable politique de promotion de l’enseignement en immersion", et ce "dès le maternel".
Pour cela, son groupe prône "l’ouverture d’écoles fondamentales et secondaires [pratiquant l’immersion] dans chaque arrondissement administratif de la Fédération" et appelle la Fédération Wallonie-Bruxelles à "conclure un nouvel accord de coopération avec les autres communautés en vue de favoriser la mobilité des enseignants".
Pool de remplacement et taille des classes
Lutter contre la pénurie
Les députés du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont profité de la séance plénière de ce mercredi pour adopter d’autres projets de décret, dont celui relatif à la création d’un pool de remplacement, adopté à l’unanimité. Pour rappel, ce projet expérimental vise à lutter contre la pénurie qui frappe l’enseignement fondamental dans les zones de Bruxelles et du Sud-Hainaut par la création d’un réservoir de 48 enseignants à pouvoir dépêcher dans les écoles sises sur ces deux territoires et touchées par des absences pour maladie.
Supprimer les dérogations
Les parlementaires ont par contre rejeté la proposition de décret mise sur la table par le PTB et relative à la taille des classes. Le parti de gauche radicale proposait de supprimer le principe de dérogation, lequel permet aux écoles de gonfler la taille des classes au-delà des limites autorisées lorsqu’elles le jugent nécessaire. Tout comme lors de son passage en commission, le texte a reçu l’opposition de l’ensemble des autres partis.