Changer d’heure deux fois par an : pourquoi ce n’est plus vraiment utile
En Belgique, dans la nuit de ce samedi 29 octobre 2022 au dimanche 30 octobre 2022, il faudra reculer sa montre d’une heure : à 3 heures, il sera en fait 2 heures. Introduite en 1977 pour faire face au choc pétrolier, la mesure semble aujourd’hui avoir perdu de son sens. Explications.
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- Publié le 29-10-2022 à 04h00
- Mis à jour le 29-10-2022 à 07h29
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Déjà pratiqué de façon épisodique par la Belgique entre 1918 et 1946, le changement d’heure saisonnier est réinstauré par le gouvernement Tindemans II en 1977, afin de faire baisser la pression qui s’exerce sur le pays depuis qu’a éclaté le "choc pétrolier" d’octobre 1973 (lire ci-contre).
Cette mesure est alors présentée comme un dispositif visant à limiter la consommation d’énergie en général et réduire la facture de l’éclairage public en particulier. Concrètement, l’idée était de faire mieux coïncider la vie économique du pays avec le rythme du soleil.
Heure solaire
Chaque jour, nous pouvons en effet observer le soleil se lever à l’est, avant qu’il n’atteigne le point le plus haut dans le ciel – le zénith – en milieu de journée, pour redescendre enfin se coucher à l’ouest. Mais le moment où le soleil se trouve au zénith diffère d’une saison à l’autre. C’est ce que l’on appelle "l’heure solaire", différente donc de l’heure légale, sur laquelle est calquée la vie économique du pays.
En hiver, dans le ciel qui surplombe la Belgique, le soleil atteint son zénith aux alentours de midi ; en juillet, par contre, il atteint sa plus haute position dans le ciel vers 14 heures seulement.
En d’autres termes, "l’heure légale d’hiver", qui faisait foi tout au long de l’année en Belgique avant la restauration d’un changement saisonnier en 1977, se rapproche davantage de l’heure solaire, ce qui présente un certain nombre d’avantages, notamment sur le plan physiologique.
Mais ce sont donc des motifs économiques qui ont conduit le gouvernement de l’époque à réintroduire "l’heure d’été" durant une moitié de l’année.
Impacts limités
Depuis 1977, la Belgique avance donc chaque année u mois de mars ses horloges d’une heure, avant de faire le mouvement inverse en octobre : dans la nuit de samedi à dimanche, à 3 heures, nous devrons ainsi reculer notre montre d’une heure ; il sera donc 2 heures.
Mais ce changement a-t-il encore un sens à l’heure actuelle ? Tant en termes de production que de consommation d’énergie, les effets de la mesure se révèlent anecdotiques.
" Nous avons par le passé effectuer des calculs, mais les résultats étaient très peu significatifs et de toute façon pas suffisamment documentés que pour pouvoir en tirer de vraies conclusions", souffle-t-on auprès de la Febeg (Fédération belge des entreprises électriques et gazières). Même son de cloche entendu chez Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension : "Les impacts en termes de consommation sont vraiment limités, d’autant avec les nouveaux matériaux" tels que les LED, par exemple.
Gains marginaux
À l’heure de la transition énergétique et du développement des énergies vertes, en ce compris de la production d’énergie solaire, " le changement d’heure ne change rien du tout au niveau de la production", sourit-on auprès de la Fédération des énergies renouvelables ( Edora). Logique : le soleil produit de l’énergie peu importe l’heure.
Par contre, en termes de consommation, cela peut avoir un impact sur la tarification : "La Wallonie va évoluer vers une tarification beaucoup plus dynamique d’ici 2024, avec l’abandon de la tarification bi horaire pour une tarification en 4 tranches journalières. Sans doute faudra-t-il tenir compte de ce changement d’heure", glisse-t-on encore chez Edora.
De façon plus générale, la Commission européenne relayait dans un rapport publié en 2017 que "de nombreuses recherches" sur l’efficacité énergétique d’une telle mesure avaient produit "des résultats mitigés", précisant que "l’heure d’été génère de modestes économies d’énergie en Europe ", soit entre 0,5% et 2,5% de la consommation totale.
Abandon ajourné
Face à de tels constats, le Parlement européen s’est penché en 2018 sur la possibilité d’un abandon du changement d’heure saisonnier. Et le 26 mars de l’année suivante, ses membres se positionnaient en faveur d’une telle suppression : c’est celle d’été qui, pourtant moins naturelle, serait adoptée de façon permanente.
Mais la crise du Covid-19 passant par-là, la mise en œuvre effective de cet abandon fut ajournée, à la suite d’un avis défavorable rendu par le Conseil de l’Europe.
Dans l’intervalle, l’accord conclu sur la conservation de l’heure d’été a depuis été remis en question par toute une série de pays du Nord. Et la crise énergétique que connaît aujourd’hui l’ensemble du continent depuis l’éclatement du conflit en Ukraine ne va certainement pas favoriser une reprise des négociations à l’échelon européen.
Autrement écrit, ce n’est probablement pas la dernière fois que nous changerons les heures de nos horloges la nuit prochaine.