Grève dans les écoles ce jeudi 13 octobre 2022 : voici les 4 raisons
Un nouveau mouvement de grève se dessine dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles : les cinq syndicats enseignants manifesteront ce jeudi 13 octobre 2022 en front commun dans les rues de Namur. On fait le point sur les revendications du secteur avec les représentants des profs.
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ZCFY2DDRBJDBNGGLHK6373XOBU.jpg)
Publié le 10-10-2022 à 18h30
:focal(368x254:378x244)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/3VZW3X6BUBAORAKJB5I2AIZXFU.jpg)
À défaut d’être décisive, la semaine s’annonce chargée du côté de la concertation dans le secteur de l’enseignement. Elle trouvera son paroxysme jeudi, à l’occasion d’une nouvelle journée de mobilisation des syndicats enseignants qui, après Bruxelles (10 février), Mons (29 mars) et Liège (5 mai), battront le pavé de la capitale wallonne.
"Après les actions de l’année scolaire dernière, la ministre nous avait promis qu’un certain nombre de choses seraient discutées", recontextualise Joseph Thonon (CGSP-Enseignement). Plusieurs groupes de travail avaient dans la foulée été mis sur pied sur initiative du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin d’encadrer les discussions portant sur les principales revendications syndicales. "Mais à l’heure actuelle, on ne voit pas de réelles perspectives", grince Adrien Rosman (Setca-Sel). "Et le plat devient de plus en plus indigeste", enchaîne Roland Lahaye (CSC-Enseignement).
En marge des cérémonies encadrant la fête de la Communauté française le 27 septembre dernier, les syndicats avaient, déjà, profité de l’occasion pour effectuer une piqûre de rappel de leurs principales revendications sous les fenêtres du gouvernement. Au menu des protestations de ce jeudi, l’on retrouvera ces quatre mêmes revendications.
1.La taille des classes
"Il faut une prise de conscience de la part de ceux qui nous gouvernent, car ceci n’est pas un simple détail", amorce Roland Lahaye.
Brandie déjà lors des précédents mouvements de grogne, la problématique de la taille des classes a fait l’objet depuis la rentrée du 29 août de deux réunions du groupe de travail installé à cet effet. "Mais le gouvernement nous a déjà prévenus qu’il n’y aurait pas de moyens supplémentaires", se désole le président de la CSC-Enseignement.
Comparaisons
"La discussion porte notamment sur la moyenne du nombre d’élèves par classe, explicite Masanka Tshimanga (SLFP Enseignement). Or, on sait que la situation s’avère très différente d’une école à l’autre. Cela ne colle pas à la réalité du terrain." "Du coup on ne parle absolument pas des locaux en eux-mêmes, de leur salubrité, de leur surface, et à travers cela du bien-être des enseignants mais aussi des élèves", enfonce Adrien Rosman.
D’autant que "les enseignants font aujourd’hui face à des publics plus hétérogènes, avec de plus gros écarts entre les élèves, on ne peut pas comparer avec ce qui se faisait avant ou avec ce qui se fait ailleurs. Ou alors, il faut tout comparer", relance Roland Lahaye.
Dérogations
Seule avancée sur ce plan, la question des dérogations accordées pour augmenter davantage encore ces tailles de classe. "Elles sont nombreuses et pas toujours justifiées. C’est sur ceci qu’a porté jusqu’ici l’essentiel des discussions", relate Joseph Thonon. "C’est d’ailleurs le seul levier de pouvoir sur lequel il semble que nous puissions agir pour le moment", regrette Elisabete Pessoa (APPEL).
2.La surcharge administrative
Initiés dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, les plans de pilotages ont créé par endroits de vives tensions parmi les équipes éducatives.
"Du terrain, nous recevons de nombreux témoignages qui font état d’une pression très forte mise sur les directions et les équipes d’enseignants afin d’obtenir des résultats", relate Joseph Thonon.
"Cela représente énormément de temps pour certaines écoles, qui ne sont plus en phase avec ce qui leur avait été demandé au départ, confirme Masanka Tshimanga. Car ce n’est plus du travail collaboratif, ça devient du travail administratif."
Une réunion qui s’inscrit dans le cadre d’un second groupe de travail initié par la ministre de l’Éducation et spécialement dédié à cette problématique doit justement se tenir ce mercredi.
Vade-mecum
"Mais il ne s’agira pas de simplement vouloir alléger la charge de travail pour les directions, il faut que cela ne pèse pas sur le travail des équipes éducatives", prévient Adrien Rosman.
Une piste de solution pourrait d’ailleurs rapidement se dégager : " On a demandé que soit mis en place un guide de bonnes pratiques, soulève ainsi Roland Lahaye. Car on sait que, dans certaines écoles, ça se passe très bien. Il faut donc un vade-mecum pour démontrer que, à certains endroits, il y a de véritables plans de pilotage qui donnent naissance à de vrais projets d’établissements. Il faut mieux accompagner les écoles".
3.La réforme du qualifiant
Au menu de cette année, la réforme qui vise à réorganiser l’enseignement qualifiant et ses multiples options est, elle aussi, dans le viseur des syndicats. Notamment en raison des menaces qu’elle fait planer sur l’emploi.
Dans un premier temps, la proposition de texte soumise aux syndicats envisageait l’idée d’une suppression de chaque option qui ne réunirait pas un minimum de 10 élèves, à condition qu’une autre école proposant la même option soit accessible dans un rayon de 10 kilomètres. Rapidement rejetée, celle-ci a désormais fait place à d’autres scénarios.
"On a obtenu que, des 1 700 options qui allaient être supprimées au départ, il n’y en ait plus que 170 ou 180", se réjouit sur ce plan Masanka Tshimanga. "Mais c’est une économie de 37 millions que l’on a pu éviter et qu’il faudra aller chercher ailleurs", nuance Roland Lahaye.
Reclassement
Une réunion est programmée… jeudi, le jour de la manifestation, pour exposer les différents scénarios nouveaux envisagés.
"En réalité, on n’est pas opposé à l’idée de remettre de l’ordre dans les options, mais on est surtout inquiet pour les déplacements d’emploi, synthétise Joseph Thonon. Il ne faudrait pas qu’un professeur de menuiserie d’Arlon soit envoyé à Bruxelles parce que son option ferme mais qu’une autre ouvre là-bas ! On nous avait promis des mesures d’accompagnement (NDLR : notamment la création d’une cellule de reclassement), mais il n’y a toujours rien."
D’autant que, " dans un contexte de souffrance comme celui que nous traversons, il n’est en tout cas pas question de mettre en place des réformes qui ont un impact sur l’emploi", avertit Adrien Rosman.
4.L’évaluation des enseignants
Enfin, et il s’agit là du plus gros des quatre morceaux, la réforme instituant l’évaluation des enseignants – via un double mécanisme d’accompagnement et de sanction – demeure la principale pierre d’achoppement au niveau des discussions entre le gouvernement et les syndicats.
"Mettre en place un dispositif d’accompagnement professionnel lié à des possibilités de sanctions est tout simplement inaudible et indépassable pour nous", tranche Adrien Rosman.
De son côté, Elisabete Pessoa ne comprend pas pourquoi ce dossier demeure prioritaire aux yeux du gouvernement. "Il existe déjà des possibilités d’évaluer les enseignants et de prendre des sanctions si c’est nécessaire. Pourquoi dès lors vouloir absolument instaurer un mécanisme supplémentaire en ce sens ? On peut et on doit pouvoir évaluer les enseignants, mais le procédé sur lequel repose le texte présenté donne bien trop de pouvoir aux pouvoirs organisateurs."
"Et je connais l’appétit féroce de certains pouvoirs organisateurs ", grogne Roland Lahaye.
Risque
D’autant que, sur le principe de proposer un accompagnement renforcé des enseignants, tous sont d’accord.
"Surtout si cela s’inscrit dans une dynamique collective qui vise à guider l’enseignant, reprend Adrien Rosman. Mais lier cela à des sanctions éventuelles, c’est prendre le risque que plus personne n’osera dire que quelque chose ne va pas, par crainte de recevoir un rapport défavorable. Car on vise ici un dysfonctionnement pédagogique. Or, il existe l’inspection pour cela, qui est neutre d’un point de vue pédagogique et relationnel."
Dimension pédagogique
Le permanent Setca-Sel insiste : "Quand un enseignant commet une faute disciplinaire, le pouvoir organisateur peut suspendre préventivement l’enseignant, voire l’écarter définitivement. Mais ici, on met un mécanisme d’évaluation pédagogique dans les mains de personnes qui n’ont pas nécessairement les compétences pour cela."
"Il existe en effet au sein des pouvoirs organisateurs toute une série d’administrateurs qui ne se sont jamais retrouvés devant une classe, souligne Elisabete Pessoa. Or, ce sont eux qui auraient le dernier mot dans cette procédure."
Et la secrétaire générale du syndicat APPEL de conclure : "Il y a une forte implication pédagogique. On a parfois l’impression que l’on cherche de plus en plus à cadenasser les enseignants pour les contraindre dans un même moule."